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Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/74

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tueux, moitié grotesque, qui sentait l’imprévoyancc et la précipitation, ce mélange d’antiquité sans prestige, de faste sans élégance, cet étalage de dorure et de misère, faisaient venir les larmes aux yeux et le sourire sur les lèvres.

C’était l’Espagne elle-même ; c’était la branche de Bourbon d’Espagne elle-même ; c’était le couple royal lui-même !

Nous reçûmes respectueusement ce couple royal, à la portière de son carrosse royal. Le roi descendit le premier. C’était un homme grand, sec, chauve, mais nerveux et vert quant à ses facultés corporelles ; je douterais presque qu’il en ait eu jamais d’autres, et que ce ne soit lui faire trop d’honneur que d’attribuer à la sénilité l’état de distraction criarde où il fut durant toute la journée. La reine descendit ensuite, c’était une petite vieille, ou, si l’on veut, une petite fée, proprette, tirée à quatre épingles, digne et réservée. Puis venait le prince de la Paix, tel que nous l’avons vu à Paris pendant tant d’années, sorte d’intermédiaire entre le maître d’hôtel et le chasseur ; puis enfin sa fille, la petite duchesse de la Alcudia, née du sang royal, pauvre enfant que la reine tenait derrière elle, et gardait comme à vue d’œil.