Page:Broglie - Souvenirs, 1785-1817.djvu/86

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tendis de onze heures à sept heures du soir, le moment où l’empereur me ferait appeler. Je passai ces huit heures d’attente à causer, en me promenant sur la terrasse, avec les personnes que leur service ou d’autres circonstances plaçaient à peu près dans la même position. Entre ces personnes, se trouvait M. Denon, qui me raconta l’anecdote suivante.

« J’avais accompagné, me dit-il, le général Bonaparte en Égypte. Un soir, c’était le jour même de la bataille des Pyramides, au moment où, très fatigué, j’allais prendre un peu de repos, le général, me montrant du doigt les Pyramides, dont nous étions séparés par un intervalle assez court, me dit : – « Il y faut aller demain matin. – Oh ! non, lui répondis-je, nous avons du temps devant nous, qui sait même si jamais nous retournerons en France ? — « Il y faut aller demain matin, reprit le général d’un ton sévère ; qui sait s’il se présentera jamais une autre occasion ? » Un tel conseil était un ordre ; j’allai le lendemain visiter les pyramides, et bien m’en prit ; car, depuis ce jour-là, je n’y suis pas retourné, quelque envie que j’en eusse, et quelque effort que j’aie fait pour m’en rapprocher. »

Après avoir attendu environ huit heures, je vis