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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/183

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APPRENTISSAGE
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que la guerre et la misère des temps avaient obligé à interrompre ses études et à quitter la Champagne vers 1550 : il avait trouvé asile à Lyon chez Payen Thibaud, un compatriote libraire-imprimeur, dans la maison duquel il fit son apprentissage d’imprimeur et où il fut ensuite pendant quelque temps, ainsi que Charles Fontaine, « prélecteur d’imprimerie » ; tel fut encore le but d’André Saulnier, ce clerc qui « s’afferme, en 1548, au faict et art de la composition et correction de l’imprimerie et s’engage », envers l’imprimeur Macé Bonhomme, « à faire le mieulx qu’il pourra[1] » ; telle fut enfin la situation d’Olivier van den Eynde ou a Fine, qui, le 1er juin 1580, « s’engageait à servir d’aide aux correcteurs » de l’imprimerie plantinienne d’Anvers, et auquel Plantin permettait d’apprendre, pendant ses loisirs, à composer dans l’imprimerie[2].

Nul exemple certes ne pourrait être plus caractéristique de l’érudit devenu correcteur typographe que celui d’Olivier van den Eynde, non plus que des résultats auxquels peut atteindre ce lettré : revenu à Anvers après un premier stage de cinq années, van den Eynde restait chez Plantin du 12 juin 1588 au 15 mai 1590 ; il s’y créait alors une situation qui sous tous les rapports paraît égale, sinon supérieure, à celle acquise par Cornelis Kiliaan, un correcteur sorti du rang, mésestimé à son époque, mais auquel notre temps a rendu justice[3].

Les compagnons eux-mêmes nous ont dit le savoir que possédaient les premiers maîtres ou bourgeois qui œuvrèrent art d’imprimerie. Nous verrons plus tard les sanctions que le Pouvoir prit à l’égard des maîtres qui n’exigeaient point de leurs apprentis le minimum d’instruction reconnu indispensable pour entrer dans la typographie. Nous pouvons dès lors supposer, sans crainte d’erreur ni d’exagération, ce que devait être l’éducation du prote-correcteur.

Le prote, auquel incombait ordinairement, sous l’ancien Régime, la charge redoutable de la lecture des épreuves[4], était, en même

  1. Voir page 171.
  2. Voir page 504.
  3. Voir pages 84 et 502.
  4. « C’est ordinairement le prote d’une imprimerie qui doit lire la première épreuve, la seconde encore, si la première est trop chargée de fautes. » (Bertrand-Quinquet, Traité de l’Imprimerie, p. 110.) — Voir aussi l’article du prote Brullé dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert.