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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/226

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Son rôle n’est pas d’être le contempteur de ce lettré ; s’il admire son esprit, sa verve, son imagination, il ne peut s’étonner de ses faiblesses ; il doit simplement, dans la mesure de ses moyens, s’efforcer de porter remède aux défauts qu’il constate.

Pour cela il est nécessaire que le correcteur, lui aussi, ait étudié, qu’il ait lu, qu’il ait comparé. Les écrivains ont leurs tournures de phrases particulières, leurs expressions spéciales ; ils ont leurs fautes, leurs répétitions, leurs incorrections personnelles. « Ce sont les mêmes qui se font toujours tuer », disait un général ; cette phrase, qui paraît une absurdité, exprime bien dans le cas actuel la pensée qui convient : « Ce sont toujours les mêmes erreurs que l’on commet. » Des problèmes types existent en arithmétique ; des règles, des exemples types existent également en grammaire, comme des fautes types. Si l’étude des règles, des exemples types est indispensable pour connaître la langue, cette étude n’est pas moins nécessaire pour éviter les fautes types, ou, les ayant faites et les ayant constatées, pour les corriger.

Ainsi il est indispensable qu’un correcteur s’assimile rapidement le style, les expressions, les tournures particulières d’un auteur, comme aussi ses fautes et ses erreurs, s’il veut, après avoir admiré les premières, être en garde contre les dernières.

Celles-ci peuvent, d’ailleurs, être aisément cataloguées. Ce sont plus spécialement :

1o Les barbarismes, les solécismes et surtout, de nos jours, les néologismes : « Un académicien dédicace un livre ; une personne est strangulée ; un malade a des accès de frénétisme ; un tableau est d’un raffinisme et d’un artitisme inouïs ; un missionnaire, au cours d’une campagne rachatiste… » Quelques-uns de ces mots ont droit de cité, il est vrai ; mais on conviendra aisément que certains autres sont pour le moins osés. — Sans doute, il est bon de convenir aussi que nombre d’écrivains ont volontairement recours au néologisme : Marcel Prévost crée quelque part le mot incomplétude et parle d’un cerveau inexpugné (!) ; Paul Bourget s’amuse à deviner des hérédités invérifiables ; André Theuriet a vécu des soirées irrétrouvables ; et Alphonse Daudet trouve le dimanche parisien triste aux dépatriés sans famille ;

2o Les mots sans fonction, soit parce que la phrase est incomplète,