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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/484

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Ast quem scribendi cacoethes vecat, ineptus
Ardelio vitiis barbarieque rudis
Plurima conglomerat, distinguit pauca lituris,
Deformat chartas, scripta commaculat.
Non annum premit in nonum, non expolit arte ;
Sed vulgat properis somnia vana typis ;
Quæ postquam docti Musis et Apolline nullos
Composita exclamant, ringitur ardelio ;
Et quacumque potest sese ratione tuetur,
Dum correctorem carpit agitque reum.
Heus ! cessa immeritum culpam transferre deinceps
In correctorem, barde, typographicum.
Ille quod est rectum non depravavit at audin ?
Post hac lambe tuos, ardelio, catulos.
Errata alterius quisquis correxerit, illum
Plus satis invidiæ, gloria nulla manet[1].

La gloire ! Ce mot, d’une douloureuse ironie dans la bouche de Cornelis Kiliaan, ne devait pas être moins amer pour nombre de ses successeurs.

Un fait suffira à justifier cette pensée.

Sous l’ancien Régime, « de tous temps il y eut antagonisme entre les libraires et les imprimeurs ; chaque parti cherchait à prendre avantage sur son partenaire pour le dominer ; de là, des luttes incessantes au sein de la Communauté », luttes dont la violence après 1683 atteignit parfois un tel degré qu’un libraire ne dédaignait point de s’écrier, en 1715 : « que les épées étaient tirées, qu’il fallait jeter les fourreaux dans la rivière, et se battre contre les imprimeurs jusqu’à extinction[2] ». Si le sang ne fut point versé, tout au moins peut-on dire, en souriant aujourd’hui quelque peu au récit de ces combats de préséance, que l’encre coula sans compter. Chaque partie publiait un mémoire aussitôt réfuté par une réponse ; un contre-mémoire suivait, dont une requête au roi s’essayait à annuler les résultats escomptés. Au nombre des arguments donnés par les libraires comme l’une des preuves manifestes de l’infériorité des imprimeurs, on rencontre avec étonnement celui-ci : « L’imprimeur, n’étant occupé qu’à manier des caractères, ou tout au plus à lire des épreuves », est généralement tout à fait insuffisant pour visiter des livres. « Il y a autant de dis-

  1. Laurent Beyerlinck, Theatrum vitæ humanæ, t. VII.
  2. Bibl. Nat., ms fr. 22062 : Mémoire, f° 130 et suiv.