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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/489

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graphiques de Barbey d’Aurevilly : « Barbey d’Aurevilly se refusait le génie typographique de la correction », mais il demandait à « Miss Louise » de l’avoir pour lui. Une bonne moitié des lettres qu’il lui adresse le montrent en peine de la maladresse ou de l’étourderie des protes[1] : « Vous savez que je dois mourir d’une « faute d’impression ». Ce n’est pas assez de dire qu’il en est en peine ; il en est dans l’angoisse et, il l’a écrit, « au martyre ».

Et, l’auteur de ces lignes continue avec une froide ironie : « Plaignons-le comme une victime saignante des typographes ! Mais aussi quelles ridicules coquilles parsèment ses articles !… N’a-t-on pas mis, certain jour, dans son feuilleton du Triboulet, « suaire » au lieu de « sphère » ? Aussi enrage-t-il ! S’ils effacent une faute, « ces chiens », c’est pour en mettre deux autres. Ainsi, dans la troisième édition de l’Histoire sans nom, ils ont biffé l’unique bévue qui déparait le volume, mais ils en ont commis deux autres, « grosses comme des montagnes ». Et il en arrive autant à ce malheureux Barbey chaque fois qu’il se fait imprimer. Son nom lui-même est déformé : il se voit transformé en Barbet. « C’est une destinée ! » Et il supplie sa « chargée d’affaires » de lui prêter aide : Qu’elle nettoie ses œuvres de ces « saloperies », qu’elle corrige « férocement » ses épreuves, et au besoin qu’elle aille « tonner chez Lemerre ».

Barbey lisait-il les épreuves de ses travaux ? Pour sa réputation littéraire nous voulons le croire ; et nous songeons dès lors que lui-même et « Miss Louise » n’étaient pas moins responsables que « ces chiens » des « saloperies » contre lesquelles il priait d’aller « tonner chez Lemerre ».

« Une éducation complète à faire », « une conversion de pécheur endurci à opérer », on ne saurait mieux juger l’état d’esprit des auteurs, des libraires-éditeurs, des imprimeurs même qui, suivant les circonstances, dénient au correcteur la moindre autorité littéraire, en le ravalant au-dessous d’un simple typographe, ou négligent sa formation technique, ne voyant dans les services de ce travailleur intellectuel qu’une charge dont les exigences de la clientèle ne leur permettent pas, à leur vif regret, de se libérer[2].

  1. Cet auteur confond prote et correcteur.
  2. « Nous sommes forcés d’en convenir, si depuis quelques années surtout nous