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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/565

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lesdictz compagnons ne laisseront icelle encore qu’elle ne soit parachevée par eulx ou par lesdictz aultres. » Les compagnons étaient tenus de parachever l’œuvre commencée : quand les délais impartis étaient restreints, la main-d’œuvre insuffisante, le moyen n’apparaît pas clairement d’obtenir « plus hâtivement l’œuvre », même après en avoir « baillé une partie à faire à d’autres imprimeurs », sinon par une durée plus longue du travail journalier.

D’ailleurs, la besogne à accomplir était strictement délimitée, et le compagnon ne pouvait quitter l’atelier avant l’achèvement de la tâche. Dans leurs Remontrances au roi, du 17 juin 1572, les compagnons imprimeurs font remarquer que la production journalière, de 2.650 feuilles à Paris, est fixée à 3.350 à Lyon, « laquelle quantité à peine peuvent-ils fournir estans debout depuis deux heures après minuit jusques environ huit ou neuf heures du soir, tant l’hyver que l’été ». Un jugement du 26 juillet 1583 confirme implicitement cette déclaration : « Claude Cordier, natif de Champaigne, à présent compagnon imprimeur habitant Lyon, dict et déclare que, ung jour de lundy, il y a aujourd’huy quinze jours, que luy allant travailler de son estat d’imprimeur et comme franc-archier, en la maison de Jaques Rossin, maistre imprimeur, environ les deux heures du matin qu’est la mesme heure que les compagnons de l’art de l’imprimerie vont travailler,… fust assailli… à grands coups de pierres, de manière qu’il en fust blessé grandement à la teste[1]… »

On ne peut, en vérité, devant ces faits, que s’étonner de l’erreur de ces écrivains et de ces économistes qui nous parlent du temps heureux des corporations, des bienfaits de leur système réglementaire et de l’âge d’or que fut pour les métiers cette époque lointaine.

À la lumière des documents on voit combien fut parfois lamentable la situation de nos devanciers. On s’étonnera moins dès lors de leurs rancœurs, de leurs plaintes, de leurs violences même pour obtenir un peu de mieux être.

Mais poursuivons notre étude.

La situation semble avoir été la même dans tous les pays à l’époque qui nous occupe.

  1. Baudrier, Bibliographie lyonnaise, 1re série, p. 104.