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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1934.djvu/209

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« Si la matière est interlignée, on compte une n de plus par ligne pour l’interligne.

« Si le nombre d’n passe 500 au-dessus du premier mille, on le compte pour un second mille ; au-dessous de ce nombre on le néglige.

« Toute composition qui ne produit pas un mille, tels que les cartes, avis et autres bilboquets, se compte néanmoins comme si le mille y était… »

Ce mode de comptage donna lieu à de fréquentes contestations de la part des ouvriers et surtout à des motifs parfois justifiés, faut-il croire, de suspicions de fraude : Les compositeurs accusaient les maîtres imprimeurs de « s’entendre avec les fondeurs pour que les n fussent plus larges que la normale[1] ».

En 1868, patrons et compagnons se mirent d’accord sur un système de calibrage, de comptage plutôt, qui reçut le nom de comptage à la lettre type : « Pour chaque caractère de texte, on composait les vingt-cinq lettres de l’alphabet bas de casse ; puis on recherchait soit dans le bas de casse, soit dans les petites capitales, la lettre qui entrait vingt-cinq fois dans la justification donnée par la composition de l’alphabet. Cette lettre était appelée lettre calibrée ; autant de fois elle entrait sur la justification indiquée pour un travail, autant l’on comptait de lettres à la ligne. Si, après avoir mis un certain nombre de lettres calibrées, il restait place pour l’apostrophe, on comptait une lettre de plus. » Un progrès réel, témoignant d’un plus juste souci des intérêts de l’ouvrier, était ainsi réalisé.

Cependant cette méthode de calibrage ne devait être qu’une étape. En 1878, le comptage à la lettre calibrée était remplacé, aussi bien dans le tarif patronal que dans le tarif ouvrier, par le calibrage alphabétique : « Sur la justification du volume donné, un alphabet est composé de a à z, ou jusqu’à ce que la justification soit remplie ; si le premier alphabet ne suffit point pour compléter la justification, un deuxième est recommencé et, le cas échéant, un troisième, tout autant que la justification le permet. Au cas où, après la dernière lettre entrée aisément dans le composteur,

  1. Ces plaintes, il faut bien le dire, existèrent sans doute de tous temps. Tout au moins, à l’époque à laquelle M. Brun faisait paraître son Manuel (1825), elles n’étaient point nouvelles, si l’on en croit le soin avec lequel il réfute les doléances des ouvriers typographes : « Quelques compositeurs, trop soupçonneux, se sont imaginé que des maîtres imprimeurs avaient été assez peu délicats pour introduire sciemment des n épaisses dans leurs fontes. Ils ne faisaient sans doute pas attention qu’ils parangonnaient du caractère gros œil, dont les sortes, comme nous venons de l’observer, sont nécessairement plus épaisses. S’ils y avaient réfléchi, ils n’auraient pu supposer un seul instant que, foulant aux pieds toutes les lois de l’honneur, de l’équité et de l’humanité, un maître imprimeur pût se permettre une manœuvre aussi coupable.

    « Sans cette variété d’œils, on eût pu, au lieu d’n, prendre le demi-cadratin pour terme moyen ; mais, au contraire, l’usage de prendre une lettre dont l’épaisseur relative détermine celle de toutes les autres, ne prouve que davantage en faveur de la justice distributive qui guide MM. les maîtres imprimeurs en général, dans leurs rapports d’intérêts avec leurs ouvriers. »