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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1934.djvu/233

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pensable de se souvenir que la lettre s’abaisse plus difficilement, et que le moindre choc, le moindre heurt, une trop forte résistance à un coup plus violent, risquent, comme on l’a déjà dit, d’endommager gravement la lettre.


V

LA TECHNIQUE DE L’IMPOSITION


L’imposeur est généralement un ouvrier que son intelligence élève au-dessus de ses collègues et qui doit sa situation à une connaissance complète du métier : composition, mise en pages, tableautage, correction sous presse, l’imposeur sait tout cela et a exécuté ces divers travaux.

L’imposeur connaît aussi les différents genres de machines de la Maison où il travaille, leur format exact, le genre de châssis qu’elles exigent, leur prise de pinces, leurs qualités, leurs défauts, ainsi, hélas ! que les… manies et les dadas de chaque conducteur.

Il lui faut se souvenir sans hésitation de tous les formats de papier, grands et petits, dont il plaît aux éditeurs de panacher leurs productions. Sa mémoire impeccable ne se troublera jamais devant l’imposition la plus imprévue non plus que dans le dédale des divers blancs de tous les ouvrages en cours ou de toutes les impositions.

À cela l’imposeur joindra une grande habileté manuelle, une véritable dextérité et une délicatesse du toucher, indispensables pour lier et délier sur le marbre ou même sur les machines des pages de toutes les grandeurs, interlignées ou non.

Son métier est tout de patience : il matera ses nerfs, lorsqu’il rejustifie nombre de lignes, lorsqu’il parfait un alignement, lorsqu’il vérifie une hauteur de page ; il surveillera son caractère, lorsqu’il serre et desserre pour un tableau, lorsqu’il dresse un bois, lorsqu’il transpose une page au folio erroné ; il fera surtout preuve de la plus sereine des philosophies lorsque, « peu foulé », il emploie ses loisirs aux besoins du moment, lorsque, dans un moment de presse on exige de lui un rude coup de collier, lorsque dans le fouillis des paquets et la confusion des travaux les explications font parfois défaut.

Ses accès d’humeur seront de courte durée : c’est, un sage qui ne s’offense de rien et qui n’attend rien : ni encouragements, ni satisfactions d’amour-propre, car sa tâche est et restera obscure. Elle n’apparaît en rien, le livre terminé, et ne lui apporte ni lustre ni même un… simple merci.