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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1934.djvu/354

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familiarisés ou dont ils ne comprenaient pas bien le rôle et l’importance. Peut-être aussi faut-il incriminer le manque de place, qui, même après une abréviation ou une ellipse, par syncope, et par apocope, ne permettait pas de loger le signe[1]. C’est, tout au moins, ce que l’on peut conclure de l’examen dune page des Heures à l’usage de Rome (p. 33 du Manuel de Leclerc) imprimé en 1488, en laquelle nous trouvons à la deuxième ligne une coupure d’un mot : pul / vere, où le signe de la division est exprimé (pul=vere), alors qu’à la troisième ligne, où, sans doute, même après une ellipse (apocope) du mot non (n), la place a fait défaut, on remarque la coupure sub / sistam sans division. Enfin, les coupures des lignes 9, 12, 17, 18 et 20 sont accompagnées du signe de la division qui a été omis aux lignes 11, 14 et 24.

Au xvie siècle, bien que le signe de la division soit plus fréquemment exprimé, semble-t-il, et que sa forme tende à se rapprocher, sauf pour les volumes imprimés en caractères gothiques, de la forme française actuelle, son emploi n’est point encore devenu indispensable pour indiquer une coupure de mot, si nous nous en rapportons aux nombreux spécimens des précieuses et splendides éditions qui existent encore de cette époque, et notamment à celles de Plantin, un Tourangeau, qui exerça ses talents à Anvers de 1559 à 1589 environ.

Dans le spécimen que donne M. Leclerc (p. 25 de son Manuel) des caractères de Plantin, le signe de la division employé aux lignes 1 et 3 fait défaut après les coupures des lignes 2, 4 et 11, malgré les ressources qu’aurait pu offrir pour parer au manque de place l’emploi des lettres à queue e, l,m, qu’il faut remarquer dans cette même page.

Aux siècles suivants, l’usage du signe de la division se généralise de plus en plus et devient obligatoire, alors que fondeurs et imprimeurs ont résolu victorieusement toutes les difficultés.

Au cours des âges, la forme du signe de la division varie à plusieurs reprises : c’est d’abord un trait supérieur, légèrement incliné de droite à gauche, à l’exemple de notre minute (’) ; puis, deux traits rappelant la seconde ("). On rencontre encore la division sous forme d’apostrophe (’) ou, dit M.|Leclerc, de virgule, avec une obliquité sensiblement différente. Ces deux derniers signes (virgule et apostrophe) ne sont évidemment que des dérivés (peut-être dus à l’imagination, à l’esprit, inventif de quelque typo dont certaines sortes manquantes, entre autres la division, gênaient le travail !), des corruptions de la minute et de la seconde qui semblent avoir été, les premières, les formes distinctives du signe de la division.

La division allemande actuelle (caractères gothiques) ressemble à une minuscule égalité : elle est inclinée de bas en haut et de gauche à droite ; fondue régulièrement, à peu près sur 2 points d’épaisseur (corps 9, de Schelter et Giesecke), elle rappelle sensiblement, à l’inclinaison près, la forme de la se-

  1. Sans aucun doute, nos pères n’avaient point les mêmes exigences et le même souci de la régularité et de la perfection que nous apportons aujourd’hui à la composition d’un volume. Et puis, l’art de la typographie n’était encore qu’à ses débuts.