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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1934.djvu/353

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l’Horarium de Coster[1], de Harlem, pour ne citer nominalement que cet exemple, nous donne de ce fait une preuve convaincante.

Cet ouvrage tiré, assure-t-on, sur des planches ou des caractères de bois, en écriture gothique, comporte seulement neuf lignes à la page et contient des mots divisés ; mais le signe de la division n’est pas exprimé, ainsi qu’on peut le constater en consultant le spécimen qu’en donne M. Leclerc dans son Nouveau Manuel complet de Typographie (p. 10).

Toutefois, dans d’autres ouvrages publiés à cette même époque du xve siècle, ou peut-être quelques années plus tard (car aucune de ces dates ne saurait être fixée d’une manière certaine), le signe de la division, sous différentes formes, il est vrai, se trouve exprimé, ainsi qu’on peut le constater, avec M. Leclerc encore : notamment sur un fac-similé du Donat imprimé vers 1480, en lettres allemandes (xylographie), sur des fragments de la Bible de Gutenberg et de la Bible d’Ulrich Gering imprimée vers la fin du xve siècle, sur un fac-similé du Donat de Pierre Schœffer, etc.

Sans doute, il eût été intéressant de rechercher à quelle époque précise, dans quel volume et chez quel imprimeur ou libraire, ce signe de la division apparut pour la première fois et à la suite de quelles circonstances. Pensant trancher cette question d’une manière définitive, MM. Brachet et Dussouchet, après avoir dit, dans leur Nouveau Cours supérieur de Grammaire française, que le « trait d’union (notre signe de division typographique) sert à indiquer, à la fin d’une ligne, que le mot n’est pas terminé et qu’il continue à la ligne suivante », nous apprennent brièvement que le « trait, d’union fit pour la première fois son apparition dans le Dictionnaire de Nicot en 1573 ».

À défaut d’explication plus ample, on est tenté de croire (et c’est notre conviction) que MM. Brachet et Dussouchet n’entendent parler ici que du signe grammaticalement et strictement appelé trait d’union, c’est-à-dire du signe, sous sa forme française actuelle, destiné à relier deux mots différents pour en former un nom composé. Il est, au reste, difficile d’expliquer autrement l’opinion de ces auteurs, car ce fut presque dès l’invention de l’imprimerie, tout au moins une vingtaine d’années avant la date indiquée par MM. Brachet et Dussouchet, que l’on peut constater, en imprimerie, l’emploi du signe maintenant nommé « division » indiquant qu’une partie du dernier mot de la ligne a été reportée, à la ligne suivante. La Bible latine de Gutenberg, dite de quarante-deux lignes, contient en effet ce signe, sous sa forme allemande, et cette Bible, composée en types mobiles, est l’un des premiers et des plus anciens ouvrages imprimés de cette manière qui nous aient été conservés : à en croire une note marginale, et aussi en examinant le millésime de l’enlumineur, millésime qui porte la date de 1456, on a pu faire remonter l’impression de cet ouvrage aux années 1450 à 1456.

Cependant, même alors que dans un volume le signe de la division se trouvait exprimé, son emploi était encore loin, à cette époque, d’être général et obligatoire au cours de ce même ouvrage. Peut-être doit-on attribuer ce fait à la nouveauté (?) du signe, avec lequel les typos d’alors n’étaient point encore

  1. Imprimé en 1450.