Aller au contenu

Page:Brossard - Correcteur typographe, 1934.djvu/368

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Nous dirons également un mot des noms propres en Mont, que l’on pourrait s’étonner de ne pas voir diviser d’après la méthode que nous indiquons ; cela tient à notre désir d’éviter les exceptions en simplifiant les procédés[1]. — Mont vient du latin mons[2] : si nous divisons étymologiquement Mont-argis, Mont-aigu, nous sommes obligés de diviser de même Mons-ols, Mons-égur et d’autres encore, ce dont nous ne voyons pas l’utilité, puisque la prononciation, au lieu d’y gagner, ne pourrait qu’y perdre. Il faudrait, en outre, diviser Monte-leone et Mont-olivet ; tout cela causerait d’inextricables difficultés que nous supprimons. »

Que nous aurions souhaité voir M. Desormes, oublieux ici de ce qu’il disait il y a un instant au sujet de sub-stituer et de su-blingual, accepter en son entier cette constatation des inextricables difficultés que cause l’application de la division étymologique, et se rallier, non pas simplement par pure « question d’une euphonie toute de convention », mais sincèrement et sans arrière-pensée, au système de la division syllabique ?

Il n’en est rien, malheureusement, car, tout au contraire, accentuant son erreur, M. Desormes déclare : « Nous ne saurions en rester là », et propose, pour éviter des embarras au correcteur et au typographe, de diviser cré-ance, sé-ance, Alex-andre, influ-ence, au lieu peut-être de créan-ce, séan-ce, Alexan-dre, influen-ce, » coupures aussi défectueuses l’une que l’autre. — Il est vrai que M. Desormes ajoute immédiatement, comme regrettant presque ce qu’il vient de dire : « Ce qui ne nous empêche pas de conseiller d’éviter ces divisions peu harmonieuses, toutes les fois qu’il en pourra être ainsi. » Voyons, il faudrait pourtant s’entendre : ces divisions sont-elles permises ou ne le sont-elles pas ? Là est toute la question. Nous disons formellement : non. M. Desormes dit : oui et non. Il nous semblait pourtant qu’une porte ne pouvait être et ouverte et fermée en même temps, et nous étions persuadés qu’elle devait être ou fermée ou ouverte. Tel n’est pas l’avis de l’ex-directeur de l’École professionnelle Gutenberg ; aussi, désormais, aucune de ses théories n’est pour nous étonner, et c’est sans observation que nous enregistrons cette ultime déclaration, après quelques lignes sur le radical, les préfixes, les suffixes et les causes de la division : « Aussi nous a-t-il semblé que cette dernière (l’étymologie) devait être respectée toutes les fois que le préfixe ou le suffixe s’y prêteraient en offrant, soit avant, soit après la division, un mot français, sans en changer ni la prononciation ni l’orthographe. Mais il faut le reconnaître, car on ne saurait trop le répéter, on devra s’abstenir, quand il se pourra, de diviser deux ou trois lettres — ce qui n’a de raison d’être que dans les petites justifications — pour s’attacher à couper par le milieu tous les mots d’une certaine longueur : aber-ration, désap-prouver, inac-cessible. »

Pourquoi M. Desormes n’a-t-il pas cru devoir placer cette déclaration au début du paragraphe qu’il a consacré à la division ? Il nous eût évité bien des surprises et il nous épargnerait l’ennui de mettre sous les yeux du lecteur, malgré la longueur déjà exagérée de ces lignes, quelques-unes des divisions bien

  1. Il n’a pas fallu moins que cette déclaration catégorique pour nous persuader, car nous ne nous étions pas encore douté du sentiment de M. Desormes.
  2. Pour être plus exact, mont est tiré directement du mot latin montis (radical mont), génitif singulier de mons, qui signifie colline élevée, montagne.