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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1934.djvu/367

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la prononciation, l’orthographe et l’étymologie (trois points particulièrement chers à l’auteur des Notions de typographie) ; basse-tingage ou ba-stingage ; er-gasse-tule ou er-ga-stule ; épisse-tyle ou épi-style ? Si persuadé, toutefois, que nous soyons de notre manière de voir, on nous permettra de l’appuyer de l’opinion de Littré, qui, dans son Dictionnaire de la langue française, figure ainsi la prononciation de ces différents mots : ba-stin-ga-g’, mé-ta-sta-z’, er-ga-stu-l’, épi-sti-l’. La division syllabique est d’accord ici avec la division étymologique ; ce fait enlève donc toute valeur au raisonnement de M. E. Desormes et aux conséquences qu’il en veut tirer.

M. Desormes comprend bien, du reste, par ailleurs, toute la faiblesse de son argumentation, et il s’excuse presque en reconnaissant qu’il ne « tranche pas toutes les difficultés, particulièrement dans les mots suivants : in- / animé, in- / habile », dans lesquels un lecteur inhabile prononcera sûrement les syllabes isolées i n non pas inn’, mais bien in, avec le son nasal, comme dans in-forme, in-grat, im-poste, etc. À ces mots, on pourrait ajouter bin-oculaire, in-occupé, in-usité, in-édit, syn-agogue, syn-onyme, syn-ode, mon-arque, in-ertie, in-action, en-ivrer, et tant d’autres, dont la liste est si longue que… et qui n’ont nullement la réputation d’être des mots peu employés. — On ne saurait, d’autre part, affirmer que « nous n’y pouvons rien », car précisément la division syllabique remédie au plus grand nombre des erreurs de prononciation occasionnées par la division étymologique.

Enfin, nous dirons encore que nous n’avons jamais entendu prononcer, même par des enfants d’une dizaine d’années (lecteurs pourtant maintes fois inhabiles !), et sans pour cela que nous nous soyons livrés à la moindre enquête : ci-juranne, ci-rhénane, tran-caucasien, tran-pyrénéen, pas plus que pô-térieur, mais bien : ciss’juranne[1], ciss’rhénane, transs’caucasien, poss’tèrieur, et aussi cis-zalpin, trans-zalpin, trans-souralien.

En divisant des-cription, pres-cription, des-celler (divisions syllabiques ou d’épellation qu’il accepte sans observation, nous l’avons vu), M. Desormes prononce-t-il : ou (dê-cription), prê (prê-cription), ou dess’-cription, press’cription ? On sait quelle fonction remplit ici, lors de la prononciation, l’s après l’e muet. — Ne dit-on pas encore : dé-shonorer, tout comme dé-sapprouver et non pas dés- / honorer ? Dans la prononciation on opère la liaison : sho (zo), sa (za) ; si le contraire avait lieu, il faudrait dire : dé-approuver, dé-honorer. La coupure syllabique dé-shonorer, dé-sapprouver, mé-sunir, mé-salliance, etc., laisse à l’é (c’est-à-dire, peut-être, à l’accent suscrit) sa valeur entière, alors que tout au contraire, sous prétexte d’étymologie, M. E. Desormes, comme pour les mots des-cription, téles-cope, renforce cet é de la présence de l’s qui le suit : l’auteur aurait-il l’intention de prouver que cet accent suscrit (?) est, lui aussi, une « superfluité dont l’inutilité n’est plus contestable » ?

Enfin, s’appuyant sur ce principe personnel cité plus haut et qui lui permet « de ne pas diviser étymologiquement des mots qui pourtant s’y prêtent naturellement » (tels description, etc.), l’auteur des Notions de typographie ajoute :

  1. Nous exagérons ici à dessein la forme représentative de la prononciation, afin de bien faire comprendre notre pensée.