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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1934.djvu/424

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L’emploi d’une lettre grande capitale initiale ou d’une lettre bas de casse est l’une des causes les plus fréquentes de correction typographique : tel mot considéré par un auteur comme nom propre ou assimilé à un nom propre est, en réalité, un mot auquel rien n’autorise à donner une importance particulière ; tel autre mot ayant un rapport étroit avec le sujet traité et dès lors constamment « couronné » par l’écrivain n’est qu’une simple expression d’usage courant.

« Dans l’écriture, dit M. Prodhomme, on se montre généralement très peu sévère pour l’emploi des majuscules : c’est un tort : le même motif qui a engagé à s’en servir dans les livres doit porter à en faire usage dans les manuscrits et à n’en point abuser. On sait combien sont choquantes à la vue ces pages d’écriture, où des calligraphes ignorants multiplient sans raison les majuscules, afin de faire briller l’adresse de leur main et la hardiesse de leurs traits de plume.

Les majuscules ne peuvent être de quelque utilité que lorsqu’on s’en sert pour établir des distinctions nécessaires. Mais à quoi peuvent-elles servir chez les Allemands qui en mettent à tous les substantifs ? Que signifie la majuscule employée par les Anglais pour le pronom personnel I ?…

« Dans certains ouvrages spéciaux, tels que les mémoires judiciaires, les ouvrages de polémique, politiques ou religieux, les mandements épiscopaux, les instructions ministérielles et beaucoup d’ouvrages de ville, on multiplie souvent les majuscules jusqu’au ridicule, sans suivre aucune règle positive[1]. »

Tassis, à qui nous ferons de larges emprunts, s’exprime ainsi sur l’emploi des grandes capitales[2] :

« Il est de la plus grande importance de faire un emploi raisonné des majuscules, car, si, pour frapper les yeux et attirer l’attention, on les prodigue sans nécessité, on dépasse le but que l’on voulait atteindre, et, l’effet que l’on désirait produire est manqué. Quel moyen aura-t-on alors d’établir une distinction lorsque, par exemple, une même dénomination se présentera avec trois acceptions diverses, bien distinctes ?

« Prenons, pour démontrer ce que nous avançons, le premier exemple venu :

côte d’or,xxxxxxxxxxxxxxxcôte d’Or,xxxxxxxxxxxxxxxCôte-d’Or.

« On dit figurément d’une personne qui est douée d’un excellent cœur :

C’est un cœur d’or,


et d’une affaire très avantageuse :

C’est une affaire d’or.

« De même, on dit, en parlant d’une côte quelconque renommée pour l’excellence de ses vignobles :

C’est une côte d’or.
  1. Larousse, Grand Dictionnaire universel du xixe siècle, t. X, p. 985, au mot Majuscules. — On sait combien cet abus est fréquent dans les manuscrits dactylographiés.
  2. Auguste Tassis, Guide du Correcteur, p. 26-27 (Firmin-Didot et Cie, imprimeurs-éditeurs, 56, rue Jacob, Paris).