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DE PHILIPPE

pour donner licence à cette pente romantique, s’en excuser ? Ce menteur qui ne savait supporter le mensonge sans s’emporter, s’anesthésiait pour se regarder en face, comme, pour se mépriser, il aurait commis les turpitudes que sa lâcheté lui aurait permises.

Incapable, ce jour-là, de s’exalter dans quelque prose sentimentale, qu’il aurait faite aussi longue qu’il en aurait ri fort, Philippe rejoignit le garçon de la caisse, gros homme placide qui lisait des bibliothèques entre deux tickets. C’était encore pour s’humilier ou pour vérifier son humiliation que Philippe tenait à causer avec lui. L’autre soir, il lui avait laissé les deux livres autobiographiques qu’un vieux notaire lui avait donnés avec fierté, crainte et pleurarde émotion, lorsque Philippe était allé le solliciter, sous prétexte d’une vague souscription.

Cela s’était passé dans un vieil immeuble de pierre grise, où les antiques plafonniers de lampes à pétrole avaient été sur le tard adaptés à l’électricité : il y avait de lourdes tentures partout, des bibelots, mille choses sous verre, des armoires vitrées pleines de livres aussi lourds, aux ors pâlis, des grands, des petits tapis. Il semblait qu’on était toujours obligé de faire son chemin parmi tout ça. Cela sentait encore le magasin d’antiquités, le salon clos et obscur de village, voire le lupanar vieille mode.