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Page:Brunet - Les hypocrites (1) - La folle expérience de Philippe, 1945.pdf/160

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DE PHILIPPE

comme pour s’éviter la tentation du recul, et elle affrontait l’ennemi, l’œil droit, et toute tendue. Non pas qu’elle fût insensible à tout argument. Elle disait souvent en effet de n’importe quelle chose difficile :

— Bien sûr que j’accepterais de faire ça pour de l’argent.

Une de ces nombreuses mortifications, l’ascétisme de la cenne.

Ce qui ne l’empêchait de dire aussi :

— Pensez-vous que je fais ça pour mon plaisir ?

On pourrait difficilement écrire une biographie exacte de la Maureault, veuve d’un mari « qui avait été à l’aise et qui l’avait laissée dans le chemin, pourtant » : « Si, comme il y en a, j’avais pas eu de courage… » Elle avait été sœur, pendant quelque temps, aussi, et, maintenant, elle tenait une pauvre pension bourgeoise. C’est tout ce que l’on savait d’elle, ainsi que sa piété, ses messes matinales, ses chapelets et ses recettes pieuses. Par les mots que l’on pouvait cueillir d’elle, elle faisait quand même son portrait, et fort vivant :

— Je suis pas jalouse, mais je tiens…

Non, elle n’était jalouse de personne, mais l’effet en restait le même. L’on songe à ces capitalistes pieux, « les hommes d’affaires qui nous font honneur » et qui ne sont pas avares mais tiennent à leur argent pour distribuer leurs charités à leur guise et comme ils l’en-