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Page:Brunet - Les hypocrites (1) - La folle expérience de Philippe, 1945.pdf/233

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LA FOLLE EXPÉRIENCE

propriétaire, qui parlait de ses droits comme de droits divins : lui, catholique, se laissait marier à une femme qu’il n’aimait pas et qui lui donnerait le gîte, Philippe lui donnait une vague respectabilité. Toute sa vie, Philippe avait commis les bassesses de tout le monde, en les poussant cyniquement jusqu’à leurs conséquences, et, ce qui ajoutait à sa responsabilité, il avait toujours agi consciemment. Et, dans cette chambre ridicule, devant la cathédramètre, Philippe priait Dieu, si telle était sa volonté, de le faire mourir au plus tôt et de lui infliger le plus mérité des purgatoires (un miracle, c’était un miracle, l’avait tiré de l’enfer), afin qu’il pût expier ce que le lâche n’avait pas le courage d’expier sur la terre.

Il avait même mal jugé le docteur Marquette, qui le reconduisant, aux regrets de ne pouvoir lui procurer le complet de noces :

— Je suis sûr que vous ne m’avez pas compris, cette journée des bottines. Je suis un vieux sceptique, je ne crois à peu près qu’aux forces de recouvrement de la nature, à l’hygiène, et à la bonne conduite, la bonne conduite de la vie. Seulement, si je laissais partir mes patients sans remèdes ni ordonnances qui les frappent, ils courraient s’emplir de pilules chez le pharmacien et ils oublieraient mes leçons : une bottine qui leur serre les pieds ne peut leur faire beaucoup de mal et cela leur rappelle mes leçons. Quand ils reviennent, je leur donne des