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Page:Brunetière - Cinq lettres sur Ernest Renan, 1904.djvu/37

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apparaît comme un développement ayant ses causes en lui-même. » D’où venons-nous ? on ne le sait pas ! Et où allons-nous ? on l’ignore ! Les lois de notre développement nous échappent, aussi bien que la connaissance de notre origine et celle de notre fin. Mais l’histoire du monde physique et du monde moral n’en ont pas moins leurs causes « en elles-mêmes » ! et, n’étant pas nous-mêmes les maîtres de nos destinées, le contre-amiral Réveillère, M. Théodule Ribot et Renan en concluent qu’un autre ne l’est pas.

    son acte merveilleux, dans d’autres circonstances, sur d’autres cadavres, dans un autre milieu. »

    C’est sur des raisonnements de cette force et de cette solidité que se fonde « le dogme absolu de tout esprit cultivé ». Toute l’argumentation de Renan et de Littré — je ne dis pas celle de Strauss, qui demeure bien autrement redoutable — ne consiste proprement qu’à dire : « Une des preuves de la divinité du Christ c’est pour vous sa résurrection » ; et, nous, nous prétendons « qu’il n’a pas pu ressusciter, puisque nous croyons qu’il n’était qu’un homme ». Ou encore, et en généralisant : « Vous croyez au miracle comme à une exception aux lois de la nature » et nous : « Nous ne croirions au miracle que s’il rentrait dans les lois de la nature. » Et je dis que je vois bien que ces deux thèses sont contradictoires, mais, réduites à ces termes, et maintenues sur ce terrain, j’estime qu’aux yeux d’un « libre penseur » impartial et surtout désintéressé, elles se valent, mais ne sont pas plus démontrables l’une que l’autre. Scientifiquement et philosophiquement, on ne peut pas plus établir la possibilité ou l’impossibilité du miracle que l’on ne peut établir la réalité de la création, ou de tout autre mode d’origine des choses. « Cela, comme disait Pascal, est d’un autre ordre, surnaturel » ; et on n’a donc rien fait contre ce surnaturel, en en posant, avec Renan, la négation gratuite.