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Page:Brunetière - Cinq lettres sur Ernest Renan, 1904.djvu/41

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effet, qu’y a-t-il de commun entre la résurrection de Lazare et les découvertes de Claude Bernard ou de Magendie ? Renan, lui, croyait avec M. Homais, que ce fût une même affaire[1].

Mais, surtout, qu’est-ce que les sciences expérimentales, incapables qu’elles sont de nous renseigner sur la constitution de l’univers, peuvent bien nous apprendre de son origine ? et de la nôtre ? et de nos destinées ? Renan s’est-il posé la question ? S’il se l’est posée, comment a-t-il pu croire que la science remplacerait un jour la religion ? Mais, s’il ne se l’est pas posée, comment a-t-il eu l’audace ou la témérité de se faire un domaine de l’histoire des religions ?

Hélas ! c’est que ce grand critique en a cru les savants sur les limites comme sur la portée de leur science, et son scepticisme l’abandonnait à

  1. « La science — a-t-on dit, et avec raison — s’enferme dans la nature et ne l’embrasse pas ; elle ne saurait donc être contredite par ce qui embrasse et surpasse la nature. » Mais Renan ne s’est pas donné la peine d’examiner la question, si même il en a connu l’existence, et tout simplement, il a « laïcisé » Dieu sous le nom de Nature.

    La Nature de Renan c’est le « Dieu » de la religion, de toutes les religions, dépouillé par hypothèse de sa personnalité, confondu dans son œuvre, et nié dans sa liberté. Mais la question étant précisément de savoir si l’on peut ainsi la poser, ce que Renan a négligé de prouver, c’est qu’il eût le droit de la poser ainsi, et l’ayant tout de même résolue, c’est précisément ce que j’appelle de l’escamotage.