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Page:Brunetière - Cinq lettres sur Ernest Renan, 1904.djvu/45

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de son Credo philosophique : là où s’arrêtait le pouvoir des sciences expérimentales, de la physique ou de la physiologie, Renan a cru que commençait celui des sciences historiques, l’Autorité de l’exégèse et l’Infaillibilité de la philologie. Il écrivait à ses débuts : « L’union de la philologie et de la philosophie, de l’érudition et de la pensée devrait être le caractère de notre époque. Le penseur suppose l’érudit… C’est la philologie que fournira au penseur cette forêt de choses — silva rerum ac sententiarum, disait Cicéron — sans laquelle la philosophie ne sera jamais qu’une toile de Pénélope éternellement à recommencer[1]. »

Cette conviction ne l’a jamais abandonné. Il a vraiment cru que l’empire du monde pensant était promis aux philologues, et il l’a fait croire à de nombreux disciples. La possession du sanscrit ou de l’hébreu, du zend ou de l’araméen, du chinois et de l’arabe, est devenue le signe et la mesure de la supériorité intellectuelle. Une traduction du Livre de Job ou du Cantique des cantiques ont conféré le droit à leur auteur de

  1. Cette citation est empruntée au livre de l’Avenir de la science.