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Page:Brunetière - Cinq lettres sur Ernest Renan, 1904.djvu/60

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dehors de la bonhomie, le libéra des contraintes que sa pensée s’était imposées jusqu’alors. Fort de l’inattaquable dignité de sa vie, plus laborieuse et plus diversement occupée que jamais, c’est alors qu’il donna carrière à la légèreté de son dilettantisme ; qu’il se crut spirituel en reprochant à Jésus de « n’avoir pas eu le don de sourire de son œuvre », ce qui est la qualité essentielle d’« une personne distinguée » ; qu’il feignit de regretter que « saint Paul ne fût pas mort sceptique, naufragé, abandonné, trahi par les siens » dans le doute et le désespoir ; qu’en revanche il essaya de réhabiliter Néron, pour ses talents de chanteur, et qu’il en fît, pour ses inventions obscènes, le révélateur de la « pudeur chrétienne ». C’est à M. G. Séailles que, n’ayant pas ici les Origines du Christianisme sous la main, j’emprunte ces exemples. Mais le lecteur me fera confiance si je le prie de croire que les semblables abondent dans les volumes qui ont suivi l’Antéchrist. « C’est une terrible tentation, a-ton dit, que de n’avoir personne au-dessus de sa tête. » Je ne sais si ce n’en est pas une aussi terrible — je dis moralement — que de n’avoir autour de soi que des applaudisseurs.