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Page:Brunetière - Cinq lettres sur Ernest Renan, 1904.djvu/61

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L’histoire de la lente démoralisation de Renan peut en servir d’une triste preuve.

Car, ce qui suivit, nul sans doute ne l’ignore. C’est ce que l’on connaît le mieux de la biographie de Renan ; et, comme dit l’historien, il serait peut-être plus sage — et plus respectueux pour un grand écrivain — de se contenter de le regretter, que de le raconter : Quæ secuta sunt defleri magis quam narrari possunt. Hélas ! avoir écrit, au temps de sa jeunesse, l’Avenir de la Science ! et s’être fait du savoir « une religion » ! avoir enseigné, pendant trente ans, le mépris de tout ce que le « monde » estime, le dédain des plaisirs grossiers, la haine des pensées vulgaires ! avoir placé si haut son idéal qu’un moment les hommes aient pu douter s’il ne remplacerait pas l’ancien ! et finir par le Prêtre de Némi, par l’Abbesse de Jouarre, par les articles et les discours qui forment le volume intitulé : Feuilles détachées ! « Sitôt que j’eus montré le petit carillon qui était en moi, a-t-il écrit dans ses Souvenirs de Jeunesse, le monde s’y plut, et, peut-être pour mon malheur, je fus engagé à continuer. » Il a raison de dire : pour son malheur ! et la fin de sa carrière, en en éclairant