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Page:Brunetière - Cinq lettres sur Ernest Renan, 1904.djvu/63

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qui nous obsèdent, accepté devant le public un rôle de faux ivrogne et de faux libertin[1] » ?

Ce rôle, Renan ne l’a pas « accepté » seulement ; il l’a sollicité. Comme un vieil acteur, et, entre deux crises de rhumatisme, le bras en écharpe, nous l’avons vu monter en scène aux applaudissements d’un public dont il ne semblait plus comprendre ce que le rire avait d’irrespectueux et de dérisionnaire. C’est le châtiment de l’ironie ! L’habitude de rire de tout semble donner aux autres comme un droit de rire de nous ; et, en effet, si nous nous faisons un jeu de ne rien respecter, pourquoi nous respecteraient-ils ! Renan s’est plus d’une fois mépris, dans ses dernières années, sur la qualité du rire qu’il excitait ; et il n’a pas senti que ce n’était plus de ce qu’il disait qu’on riait, mais de lui qui le disait, et — parce que la jeunesse est cruelle — de ce qu’il y avait de plus lamentable encore que de risible à le voir profaner, sous son masque de curé rabelaisien, tout ce qu’il avait jadis adoré !

  1. Une comparaison tout à fait instructive à cet égard, est celle que l’on pourra faire de l’article sur la Farce de Patelin avec les articles sur le Journal d’Amiel ; ou de l’article sur la Théologie de Béranger avec le Discours à l’Association des étudiant, 1886.