Page:Brunetière - Cinq lettres sur Ernest Renan, 1904.djvu/75

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Gobineau dans la France juive ; il y a aussi beaucoup de Drumont : je ne sais s’il n’y a pas presque autant de Renan. Renan a donné à l’antisémitisme une base « pseudo-scientifique » ; il l’a fondé en linguistique et en physiologie. Sa compétence d’hébraïsant s’est étendue à tout ce qu’il lui a plu de dire du Juif. Et c’est pourquoi, si vous voyez avec moi, comme je n’en doute pas, dans l’antisémitisme, une des formes les plus aiguës de l’intolérance contemporaine, vous serez bien aise de constater avec moi que « l’apôtre de la tolérance » en a sa large part de responsabilité.

« Bien aise », qu’est-ce à dire ? et pour quelles raisons en serons-nous bien aises ? Oh ! il n’y en a qu’une, et elle est suffisante. C’est que nous croyons, vous et moi, qu’aucune théorie n’étant plus fausse, aucune théorie n’est plus dangereuse, et en même temps moins « chrétienne » que la théorie des races. Eh, sans doute ! nous le savons bien, qu’il y a des différences ; et nous n’eussions pris Ernest Renan ni pour un Apache ni pour un Mongoloïde ! C’était un Celte et nous ne confondons pas un Celte avec un Germain. Nous n’ignorons pas davantage que la mentalité