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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 2.pdf/260

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Il paraît qu’autrefois l’île de la Grande-Bretagne faisait partie du continent, et que l’Angleterre tenait à la France : les lits de terre et de pierre, qui sont les mêmes des deux côtés du Pas-de-Calais, le peu de profondeur de ce détroit, semblent l’indiquer. En supposant, dit le docteur Wallis, comme tout paraît l’indiquer, que l’Angleterre communiquait autrefois à la France par un isthme au-dessous de Douvres et de Calais, les grandes mers des deux côtés battaient les côtes de cet isthme, par un flux impétueux deux fois en 24 heures ; la mer d’Allemagne, qui est entre l’Angleterre et la Hollande, frappait cet isthme du côté de l’est, et la mer de France du côté de l’ouest : cela suffit avec le temps pour user et détruire une langue de terre étroite, telle que nous supposons qu’était autrefois cette isthme : le flux de la mer de France agissant avec une grande violence, non seulement contre l’isthme, mais aussi contre les côtes de France et d’Angleterre, doit nécessairement, par le mouvement des eaux, avoir enlevé une grande quantité de sable, de terre, de vase, de tous les endroits contre lesquels la mer agissait ; mais étant arrêtée dans son courant par cet isthme, elle ne doit pas avoir déposé, comme on pourrait le croire, des sédiments contre l’isthme, mais elle les aura transportés dans la grande plaine qui forme actuellement le marécage de Romne, qui a quatorze milles de long sur huit de large ; car quiconque a vu cette plaine ne peut pas douter qu’elle n’ait été autrefois sous les eaux de la mer, puisque dans les hautes marées elle serait encore en partie inondée sans les digues de Dimchurch.

La mer d’Allemagne doit avoir agi de même contre l’isthme et contre les côtes d’Angleterre et de Flandre, et elle aura emporté les sédiments en Hollande et en Zélande, dont le terrain, qui était autrefois sous les eaux, s’est élevé de plus de 40 pieds ; de l’autre côté, sur la côte d’Angleterre, la mer d’Allemagne devait occuper cette large vallée où coule actuellement la rivière de Sture, à plus de vingt milles de distance, à commencer par Sandwich, Cantorbéry, Chattam, Chilham, jusqu’à Ahsford, et peut-être plus loin ; le terrain est actuellement beaucoup plus élevé qu’il ne l’était autrefois, puisqu’à Chattam on a trouvé les os d’un hippopotame enterrés à 17 pieds de profondeur, des ancres de vaisseaux et des coquilles marines.

Or, il est très vraisemblable que la mer peut former de nouveaux terrains en y apportant les sables, la terre, la vase, etc. ; car nous voyons sous nos yeux que dans l’île d’Okney, qui est adjacente à la côte marécageuse de Romne, il y avait un terrain bas toujours en danger d’être inondé par la rivière Rother, mais en moins de 60 ans la mer a élevé ce terrain considérablement en y amenant à chaque flux et reflux une quantité considérable de terre et de vase ; et en même temps elle a creusé si fort le canal par où elle entre, qu’en moins de 50 ans la profondeur de ce canal est devenue assez grande pour recevoir de gros vaisseaux, au lieu qu’auparavant c’était un gué où les hommes pouvaient passer.

La même chose est arrivée auprès de la côte de Norfolk, et c’est de cette façon que s’est formé le banc de sable qui s’étend obliquement depuis la côte de Norfolk vers la côte de Zélande ; ce banc est l’endroit où les marées de la mer d’Allemagne et de la mer de France se rencontrent depuis que l’isthme a été rompu, et c’est là où se déposent les terres et les sables entraînés des côtes : on ne peut pas dire si avec le temps ce banc de sable ne formera pas un nouvel isthme, etc. (Voyez Trans. Phil. Abr., vol. IV, p. 227.)

Il y a grande apparence, dit Ray, que l’île de la Grande-Bretagne était autrefois jointe à la France et faisait partie du continent ; on ne sait point si c’est par un tremblement de terre, ou par une irruption de l’océan, ou par le travail des hommes, à cause de l’utilité et de la commodité du passage, ou par d’autres raisons ; mais ce qui prouve que cette île faisait partie du continent, c’est que les rochers et les côtes des deux côtés sont de même nature et composés des mêmes matières, à la même hauteur, en sorte que l’on trouve le long des côtes de Douvres les mêmes lits de pierre et de craie que l’on trouve