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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 3.pdf/152

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En Asie, il y a certainement encore beaucoup plus de marbres qu’en Europe, mais ils sont peu connus, et peut-être la plupart ne sont pas découverts ; le docteur Shaw parle du marbre herborisé du mont Sinaï, et du marbre rougeâtre qui se tire aux environs de la mer Rouge. Chardin assure qu’il y a de plusieurs sortes de marbres en Perse, du blanc, du noir, du rouge, et du marbré de blanc et de rouge[1].

À la Chine, disent les voyageurs, le marbre est si commun, que plusieurs ponts en sont bâtis : on y voit aussi nombre d’édifices où le marbre blanc est employé, et c’est surtout dans la province de Schang-Tong qu’on en trouve en quantité[2] ; mais on prétend que les Chinois n’ont pas les arts nécessaires pour travailler le marbre aussi parfaitement qu’on le fait en Europe. Il se trouve, à douze ou quinze lieues de Pékin, des carrières de marbre blanc, dont on tire des masses d’une grandeur énorme, et dont on voit de très hautes et de très grosses colonnes dans quelques cours du palais de l’empereur[3].

Il y a aussi à Siam, selon la Loubère, une carrière de beau marbre blanc[4] ; et comme ce marbre blanc est plus remarquable que les marbres de couleur, les voyageurs n’ont guère parlé de ces derniers, qui doivent être encore plus communs dans les pays qu’ils ont parcourus[5]. Ils en ont reconnu quelques-uns en Afrique, et le marbre africain était très estimé des Romains ; mais le docteur Shaw, qui a visité les côtes d’Alger, de Tunis et de l’ancienne Carthage en observateur exact, et qui a recherché les carrières de ces anciens marbres, assure qu’elles sont absolument perdues, et que le plus beau marbre qu’il ait pu trouver dans tout le pays, n’était qu’une pierre assez semblable à la pierre de Lewington en Angleterre[6]. Cependant Marmol[7] parle d’un marbre blanc qui se trouve dans la montagne d’Hentèle, l’une des plus hautes de l’Atlas ; et l’on voit dans la ville de Maroc de grands piliers et des bassins d’un marbre blanc fort fin, dont les carrières sont voisines de cette ville.

Dans le Nouveau-Monde, on trouve aussi du marbre en plusieurs endroits. M. Guettard parle d’un marbre blanc et rouge qui se tire près du portage talon de la petite rivière au Canada, et qui prend un très beau poli, quoiqu’il soit parsemé d’un grand nombre de points de plomb qui pourraient faire prendre ce marbre pour une mine de plomb.

Plusieurs voyageurs ont parlé des marbres du diocèse de la Paz au Pérou, dont il y a des carrières de diverses couleurs[8]. Alphonse Barba cite le pays d’Atacama, et dit qu’on y trouve des marbres de diverses couleurs et d’un grand éclat. « Dans la ville impériale de Potosi, il y avait, dit-il, un grand morceau de ce marbre, taillé en forme de table de six palmes et six doigts de longueur, cinq palmes et six doigts de large, et deux doigts d’épaisseur ; ce grand morceau représentait une espèce de treillage ou jalousie, formé d’un beau mélange de couleurs très vives en rouge clair, brun, noir, jaune, vert et blanc… À une lieue des mines de Verenguela, il y a d’autres marbres qui ne sont pas inférieurs à

  1. Voyage en Perse, t. II, p. 23.
  2. Hist. générale des voyages, t. V, p. 439.
  3. Idem, t. VII, p. 515.
  4. Histoire générale des voyages, t. IX, p. 307.
  5. Il y a des carrières de très beau marbre blanc (aux Philippines), qui ont été inconnues pendant plus de deux cents ans ; on en doit la découverte à don Estevan Roxas y Melo… Ces carrières sont à l’est de Manille… La montagne qui renferme ce précieux dépôt s’étend à plusieurs lieues du nord au sud… Mais cette carrière est restée là, on n’en parle presque plus, et on fait déjà venir de Chine (comme on le faisait auparavant) les marbres dont on a besoin à Manille. Voyage dans les mers de l’Inde, par M. le Gentil ; Paris, 1781, t. II, in-4o, p. 35 et 36.
  6. Voyage en Afrique, traduit de l’anglais, t. Ier, p. 303.
  7. L’Afrique de Marmol, t. II, p. 74.
  8. Voyez Hist. générale des voyages, t. XIII, p. 318.