Aller au contenu

Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 3.pdf/151

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que les grands artistes de la Grèce ont employé pour faire ces belles statues que nous admirons encore aujourd’hui, non seulement par la perfection de l’ouvrage, mais encore par sa conservation depuis plus de vingt siècles. Ce marbre s’est trouvé dans les îles de Paros, de Naxos et de Tinos ; il a le grain plus gros que celui de Carrare, et il est mêlé d’une grande quantité de petits cristaux de spath, ce qui fait qu’il s’égrène aisément en le travaillant ; et c’est ce même spath qui lui donne un degré de transparence presque aussi grande que celle de l’albâtre, auquel il ressemble encore par son peu de dureté : ce marbre est donc évidemment de seconde formation ; on le tire encore aujourd’hui des grandes grottes ou cavernes qui se trouvent sous la montagne que les anciens ont nommée Marpesia. Pline dit qu’ils donnaient à ce marbre l’épithète de lychnites, parce que les ouvriers le travaillaient sous terre à la lumière des flambeaux. Dapper, dans sa description des îles de l’Archipel[1], rapporte que dans cette montagne Marpesia, il y a des cavernes extraordinairement profondes, où la lumière du jour ne peut pénétrer, et que le grand seigneur, ainsi que les grands de la Porte, n’emploient pas d’autre marbre que celui qu’on en tire pour décorer leurs plus somptueux bâtiments.

Il y a dans l’île de Thasos, aujourd’hui Tasso, quelques montagnes dont les rochers sont d’un marbre fort blanc, et d’autres rochers d’un marbre tacheté et parsemé de veines d’un beau jaune : ce marbre était en grande estime chez les Romains, comme il l’est encore dans tous les pays voisins de cette île[2].

En Espagne, comme en Italie et en Grèce, il y a des collines et même des montagnes entières de marbre blanc : on en tire aussi dans les Pyrénées du côté de Bayonne, qui est semblable au marbre de Carrare, à l’exception de son grain qui est plus gros, et qui lui donne beaucoup de rapport au marbre blanc de Paros ; mais il est encore plus tendre que ce dernier, et sa couleur blanche est sujette à prendre une teinte jaunâtre. Il se trouve aussi dans les mêmes montagnes un autre marbre d’un vert brun taché de rouge.

M. Bowles donne, dans les termes suivants, la description de la montagne de Filabres près d’Almeria, qui est tout entière de marbre blanc. « Pour se former, dit-il, une juste idée de cette montagne, il faut se figurer un bloc ou une pièce de marbre blanc d’une lieue de circuit, et de deux mille pieds de hauteur, sans aucun mélange d’autres pierres ni terre ; le sommet est presque plat, et on découvre en différents endroits le marbre, sans que les vents, les eaux, ni les autres agents qui décomposent les rochers les plus durs, y fassent la moindre impression… Il y a un côté de cette montagne coupé presque à plomb, et qui depuis le vallon paraît comme une énorme muraille de plus de mille pieds de hauteur, toute d’une seule pièce solide de marbre, avec si peu de fentes et si petites, que la plus grande n’a pas six pieds de long ni plus d’une ligne de large[3]. »

On trouve, aux environs de Molina, du marbre couleur de chair et blanc ; et à un quart de lieue du même endroit, il y a une colline de marbre rougeâtre, jaune et blanc, qui a le grain comme le marbre de Carrare.

La carrière de marbre de Naquera, à trois lieues de Valence, n’est pas en masses épaisses : ce marbre est d’un rouge obscur, orné de veines capillaires noires qui lui donnent une grande beauté. Quoiqu’on le tire à fleur de terre, et que ses couches ne soient pas profondes, il est assez dur pour en faire des tables épaisses et solides, qui reçoivent un beau poli.

On trouve à Guipuzcoa en Navarre, et dans la province de Barcelone, un marbre semblable au sérancolin[4].

  1. Pages 261 et 262.
  2. Dapper, Description de l’Archipel, p. 254.
  3. Hist. naturelle d’Espagne, p. 127 et suiv.
  4. Idem, p. 26, 138 et 717.