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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 3.pdf/54

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jaspe : ils sont d’autant plus opaques et plus colorés, que le jaspe est entré en plus grande quantité dans leur composition, et ils prennent au contraire un peu de transparence lorsque le feldspath y est en grande quantité. Nous pouvons à ce sujet observer qu’en général, dans les matières vitreuses produites par le feu primitif, plus il y a de transparence et plus il y a de dureté, au lieu que dans les matières calcinables, toutes formées par l’intermède de l’eau, la transparence indique la mollesse. Ainsi moins un porphyre est opaque, plus il est dur, et au contraire plus un marbre est transparent, plus il est tendre : on le voit évidemment dans le marbre de Paros et dans les albâtres ; cette différence vient de ce que le spath calcaire est plus tendre que la pâte du marbre dans laquelle il est mêlé, et que le feldspath et le schorl sont aussi durs que le quartz et le jaspe, avec lesquels ils sont incorporés dans les porphyres et les granits.

Il n’y a ni quartz ni mica dans les porphyres, et il est aisé de les distinguer des granits qui contiennent toujours du quartz et souvent du mica ; il y a plus de cohérence entre les parties de la matière dans les porphyres que dans les granits, surtout dans ceux où le mélange du mica diminue non seulement la cohésion des parties, mais aussi la densité de la masse. Dans le porphyre, c’est le fond ou la pâte qui est profondément colorée, et les grains de feldspath et de schorl sont blancs, ou quelquefois ils sont de la couleur du fond, et alors seulement d’une teinte plus faible ; dans le granite, au contraire, c’est le feldspath et le schorl qui sont colorés, et le quartz, que l’on peut regarder comme sa pâte, est toujours blanc, et c’est ce qui prouve que le porphyre a la matière du jaspe pour base, comme le granit celle du quartz.

Quelques naturalistes, en convenant avec moi que le feldspath et le schorl entrent comme parties constituantes dans les porphyres, se refusent à croire que la matière qui en fait la pâte soit réellement du jaspe, et ils se fondent sur ce que la cassure du porphyre n’est pas aussi nette que celle du jaspe ; mais ils ne font pas attention que parmi les jaspes, il y en a qui ont la cassure un peu terreuse comme le porphyre, et qu’on ne doit le comparer qu’aux jaspes communs qui se trouvent en grandes masses et non aux jaspes fins qui sont de seconde formation. Ces nouveaux jaspes ont la cassure plus brillante que celle des anciens, desquels ils tirent leur origine, et ces anciens jaspes ne diffèrent pas par leur cassure de la matière qui fait la pâte des porphyres.

Quoique beaucoup moins commun que les granits, le porphyre ne laisse pas de se trouver en fortes masses et même par grands blocs en quelques endroits[1] ; il est ordinairement voisin des jaspes, et tous deux portent comme le granit sur des roches quartzeuses ; et cette proximité indique entre eux une formation contemporaine. La solidité très durable de la substance du porphyre atteste de même son affinité avec le jaspe ; ils ne se ternissent tous deux que par une très-longue impression des éléments humides, et de toutes les matières du globe que l’on peut employer en grand volume, le quartz, le jaspe et le porphyre sont les plus inaltérables : le temps a effacé et détruit en partie les caractères hiéroglyphiques des colonnes et des pyramides du granit égyptien, au lieu que les jaspes et les porphyres, dans les monuments les plus anciens, ne paraissent avoir reçu que de légères atteintes du temps, et il est à croire qu’il en serait de même des ouvrages faits de quartz, si les anciens l’eussent employé ; mais comme il n’a ni couleurs brillantes, ni variétés dans sa substance, et que sa grande dureté le rend très difficile à travailler et à polir, on l’a toujours rejeté ; et, d’autre part, les porphyres et les jaspes ne se trouvant que rarement en grandes masses continues, on a de tout temps préféré les granits à ces premières matières pour les grands monuments.

Le quartz, qui forme la roche intérieure du globe, est en même temps la base univer-

  1. On en voit à Constantinople de très hautes colonnes d’une seule pièce, dans l’église de Sainte-Sophie ; on croit que ces colonnes viennent de la Thébaïde.