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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 3.pdf/64

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Plusieurs observateurs ont déjà reconnu que la plupart des sommets des montagnes, surtout des plus élevées, sont formés de granit[1]. La plus grande hauteur où les eaux aient déposé des coquilles n’étant qu’à quinze cents ou deux mille toises au-dessus du niveau actuel de la mer, il y a par conséquent un grand nombre de sommets qui se trouvent au-dessus de cette hauteur ; mais il s’en faut bien que toutes les pointes moins

    tion commencée on n’ait encore attaqué aucune masse considérable, et qu’on se soit borné aux morceaux rompus, épars au penchant des montagnes, et que les habitants entassent en gros murs bruts pour enclore leurs terrains. Le premier établissement de ce travail des granits des Vosges, fait d’abord à Giromagny, dans la haute Alsace, est actuellement transféré, pour plus grande abondance de matières et plus grande facilité de transports, de l’autre côté de la montagne, en Lorraine, dans le vallon de la Moselle, environ quatre lieues au-dessous de sa source. Nous le devons au goût et à l’activité de M. Patu des Hauts-Champs, magistrat qui joint à l’honneur et aux distinctions héréditaires l’amour éclairé du bien public et de grandes connaissances dans les sciences et dans les arts. Son entreprise, qui nous semble très digne de l’attention et de la faveur du gouvernement, mettrait en valeur des matières précieuses restées jusqu’à présent brutes entre nos mains, et pour lesquelles nous payons jusqu’ici un tribut à l’Italie.

  1. Les hautes sommités des Alpes sont presque toutes de granit proprement dit, savoir, de celui qui est composé de quartz, de feldspath et de mica… Le mont Blanc, qui s’élève comme un géant au centre des Alpes, est un immense rocher de granit. Saussure, Voyage dans les Alpes, t. Ier, p. 105 et 356. — Le sommet du Saint-Gothard est une plate-forme de granit nu. Lettres sur la Suisse, par M. William Coxe, traduites par M. Ramond, t. Ier, p. 193. — Le mont Sinaï (où je l’observai près du couvent) est presque tout de granit rougeâtre et à gros grains. Descript. de l’Arabie, par Niebuhr, t. II, p. 278. Les observations des derniers voyageurs ont constaté que le Caucase, qui occupe l’espace entre le Pont-Euxin et la mer Caspienne, est une grande masse de granit très irrégulièrement accompagnée de ces bandes schisteuses qui recouvrent toujours les côtés des grandes chaînes, ainsi que des montagnes secondaires et tertiaires qui les accompagnent… La chaîne célèbre des montagnes d’Oural, qui trace la limite naturelle entre l’Europe et l’Asie, et que le respect des peuples qui l’avoisinent leur a fait appeler la ceinture de la terre, est élevée sur une échine de granit et de quartz qui va en serpentant du midi au nord, et dont la plus grande largeur se trouve sur les sources du Jaïck et du Bielaïa… elle arrive en décroissant aux bords de la mer Glaciale, où elle forme le grand cap à l’ouest du golfe de l’Oby… et répond enfin, par des côtes escarpées, à la grande chaîne boréale d’Europe, laquelle ayant parcouru toute la Scandinavie en forme de fer à cheval, et élevé le cap Nord, vient remplir de rochers granitiques les basses terres de la Finlande. La grande chaîne altaïque, qui forme un des plus puissants systèmes de montagnes qui aient été reconnus sur notre planète, remplit l’Asie de ses différentes branches ; elles partent de ces prodigieux sommets dont la suite règne depuis la grande montagne Ouloutaou, au milieu de la Tartarie déserte, par le Boghdo (montagne souveraine), qui élève ses pics fort au-dessus des neiges, jusqu’aux effroyables groupes de montagnes au nord des Indes, dont le Thibet et le royaume de Cachemire sont hérissés : toute cette suite de sommets est granitique, et il en part des rameaux de même nature qui se distribuent entre tous les grands fleuves de l’Asie. (Extrait d’une dissertation de M. Pallas, intitulée : Observations sur la formation des montagnes.)

    « En traversant le Tyrol pour aller en Italie, on trouve d’abord des montagnes calcaires, ensuite des montagnes schisteuses, et enfin des montagnes de granit ; ces dernières sont les plus élevées ; on redescend par le même ordre de montagnes graniteuses, schisteuses et calcaires… La même chose s’observe en montant les autres chaînes considérables de l’Europe, comme cela est incontestable dans les montagnes Carpathiques, dans celles de Saxe, du Hartz, de la Silésie, de la Suisse, des Pyrénées, de l’Écosse et de la Laponie, etc. ; on peut en tirer la juste conséquence que le granit forme les montagnes les plus élevées, et en même temps les plus profondes et les plus anciennes, puisque toutes les autres montagnes sont appuyées et reposent sur le granit, que le schiste a été posé sur le