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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 3.pdf/73

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avoir, comme nous venons de le dire, une double origine ; la première est due aux vapeurs ou exhalaisons qui s’élèvent du fond de la terre au moyen de la chaleur intérieure du globe ; la seconde à l’infiltration des eaux qui détachent avec le temps les parties les plus ténues des masses qu’elles lavent ou pénètrent ; elles entraînent donc ces particules détachées, et les déposent dans les interstices des autres matières ; elles forment même des concrétions qui sont très dures, telles que les cristaux de roche et autres stalactites du genre vitreux, et cette seconde source des extraits ou ciments pierreux, quoique très abondante, ne l’est peut-être pas autant que la première qui provient des vapeurs de la terre, parce que cette dernière cause agit à tout instant et dans toute l’étendue des couches extérieures du globe, au lieu que l’autre, étant bornée par des circonstances locales à des effets particuliers, ne peut agir que sur des masses particulières de matière.

On doit se rappeler ici que, dans le temps de la consolidation du globe, toutes les matières s’étant durcies et resserrées en se refroidissant, elles n’auront pu faire retraite sur elles-mêmes, sans se séparer et se diviser par des fentes perpendiculaires en plusieurs endroits. Ces fentes, dont quelques-unes descendent à plusieurs centaines de toises, sont les grands soupiraux par où s’échappent les vapeurs grossières chargées de parties denses et métalliques ; les émanations plus subtiles, telles que celles du ciment silicé, sont les seules qui s’échappent partout, et qui aient pu pénétrer les masses entières du grès pur : aussi n’entre-t-il que peu ou point de substances métalliques dans leur composition, tandis que les fentes perpendiculaires qui séparent les masses du quartz, des granits et autres rochers vitreux, sont remplies de métaux et de minéraux produits par les exhalaisons les plus denses, c’est-à-dire par les vapeurs chargées de parties métalliques. Ces émanations minérales, qui étaient très abondantes lors de la grande chaleur de la terre, ne laissent pas de s’élever, mais en moindre quantité, dans son état actuel d’attiédissement : il peut donc se former encore tous les jours des métaux, et ce travail de la nature ne cessera que quand la chaleur intérieure du globe sera si diminuée qu’elle ne pourra plus enlever ces vapeurs pesantes et métalliques. Ainsi le produit de ce travail, déjà petit aujourd’hui, sera peut-être nul dans quelques milliers d’années, tandis que les vapeurs plus subtiles et plus légères, qui n’ont besoin que d’une chaleur très médiocre pour être sublimées, continueront à s’élever et à revêtir la surface, ou même pénétrer l’intérieur des matières qui leur sont analogues.

Lorsque le grès est pur, il ne contient que du quartz réduit en grains plus ou moins menus, et souvent si petits qu’on ne peut les distinguer qu’à la loupe. Les grès impurs sont au contraire mélangés d’autres substances vitreuses ou métalliques[1], et plus sou-

  1. Il y a des grès mêlés de mica, et d’autres en plus grand nombre contiennent de petites masses ferrugineuses très dures, que les ouvriers appellent des clous.

    « J’ai vu au bas des Vosges, dit M. l’abbé Bexon, des grès mélangés ou semés de mica : ces grès, dont on peut suivre la bande tout le long du pied de la chaîne des montagnes, et qui forme comme la dernière lisière entre le pays élevé de granit et le bassin de la plaine calcaire, sont généralement déposés en couches, dont les plus épaisses fournissent la pierre de taille du pays, et dont les plus minces, qui sont feuilletées et se lèvent en tables, telles qu’on les exploite sur les hauteurs de Plombières, de Valdajol et ailleurs, servent à couvrir les toits des maisons. Chacune de ces feuilles ou tables a sa surface saupoudrée et brillante de mica : il paraît même que c’est à cette poudre de mica semée entre les tables du grès que la carrière doit sa structure en couches feuilletées ; car on peut concevoir qu’à mesure que les eaux charriaient ensemble le sable quartzeux et la poudre de mica mélangés, le sable, comme le plus pesant, tombait le premier et formait sa couche, sur laquelle le mica flottant venait ensuite se déposer, et marquait ainsi le trait d’une seconde feuille. » Mémoires sur l’Histoire naturelle de la Lorraine.