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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 3.pdf/72

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Mais si nous considérons en général les ciments naturels, il s’en faut bien qu’ils soient toujours, ni partout les mêmes ; il faut d’abord en distinguer de deux sortes, l’un qui paraît homogène avec la matière dont il remplit les interstices, comme dans les nouveaux quartz et les grès où il est plus apparent à la surface qu’à l’intérieur, l’autre qu’on peut dire hétérogène, parce qu’il est d’une substance plus ou moins différente de celle dont il remplit les interstices, comme dans les poudingues et les brèches : ce dernier ciment est ordinairement moins dur que les grains qu’il réunit. Nous connaissons d’ailleurs plusieurs espèces de ciments naturels, et nous en traiterons dans un article particulier : ces ciments se mêlent et se combinent quelquefois dans la même matière, et souvent semblent faire le fond des substances solides. Mais ces ciments, de quelque nature qu’ils soient, peuvent

    véritable quartz. » M. de Gensane voulut reconnaître si cette matière provenait de la circulation de l’air dans les travaux, ou si elle transpirait au travers du roc sur lequel elle se formait ; pour cela il commença par bien laver la surface du rocher avec une éponge pour ôter le guhr qui s’y trouvait. « Ensuite, dit-il, je pris quatre écuelles neuves de terre vernissée, que j’appliquai aux endroits du rocher où j’avais aperçu le plus de guhr, et, avec de la bonne glaise bien pétrie, je les cimentai bien tout à l’entour de deux bons pouces d’épaisseur, après quoi je plaçai des travers de bois vis-à-vis mes écuelles, qui formaient presque les quatre angles d’un carré. »

    Au bout de huit mois, M. de Gensane leva une de ces écuelles, et il fut fort surpris de voir que le guhr qui s’était formé dessous avait près d’un demi-pouce d’épaisseur, et formait un rond sur la surface du rocher de la grandeur de l’écuelle ; il était très blanc et avait à peu près la consistance du beurre frais ou de la cire molle ; il en prit de la grosseur d’une noix, et remit l’écuelle, comme auparavant, sans toucher les autres… il laissa sécher cette matière à l’ombre, elle prit une consistance grenue et friable, et ressemblait parfaitement à une matière semblable, mais ordinairement tachetée, qu’on trouve dans les filons de différents minéraux, surtout dans ceux de plomb, et à laquelle les mineurs allemands donnent le nom de leten. Il y en a quantité dans celui de Pont-Pean, et le minéral y est répandu par grains, la plupart cubiques, et souvent accompagnés de grains de pyrite. « Toute la différence que je trouvais, dit M. de Gensane, entre ma matière et celle du filon, c’est que la matière était très blanche, et que celle du filon était parsemée de taches violettes et roussâtres ; je pris de celle du filon qui ne contenait assurément aucun minéral, et la plus blanche que je pus trouver, j’en pris également de la mienne, et fondis poids égal de ces deux matières dans deux creusets séparés et au même feu ; elles me parurent également fusibles et me donnèrent des scories entièrement semblables… Je soupçonnai dès lors que ces matières étaient absolument les mêmes… Quatorze mois se passèrent depuis le jour que j’avais visité la première écuelle jusqu’au temps de mon départ de ces travaux ; je fus voir alors mon petit équipage ; je trouvai que le guhr n’avait pas sensiblement augmenté sur la partie du roc qui était à découvert ; et, ayant visité l’écuelle que j’avais visitée précédemment, j’aperçus l’endroit où j’avais enlevé le guhr recouvert de la même matière, mais fort mince et très blanche, au lieu que la partie que je n’avais pas touchée, ainsi que toute la matière qui était sous les écuelles que je n’avais pas remuées, était toute parsemée de taches roussâtres et violettes, et absolument semblables à celles qu’on trouve dans le filon de cette mine, avec cette différence que cette dernière renferme quantité de grains de mine de plomb dispersés dans les taches violettes, et qui n’avaient pas eu le temps de se former dans la première.

    » Il résulte de cette observation que les guhrs se forment par une espèce de transpiration au travers des rochers même les plus compacts, et qu’ils proviennent de certaines exhalaisons ou vapeurs qui circulent dans l’intérieur de la terre, et qui se condensent et se fixent dans les endroits où la température et les cavités leur permettent de s’accumuler… Cette matière est une véritable vapeur condensée qui se trouve, dans une infinité d’endroits, renfermée dans des roches inaccessibles à l’eau. Lorsque le guhr est dissous et chassé par l’eau, il se cristallise très facilement et forme un vrai quartz. » Histoire naturelle du Languedoc, t. II, p. 22 et suiv.