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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 3.pdf/82

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vent mêlées, ainsi que des concrétions qui se forment entre les couches ou dans les fentes perpendiculaires qui en divisent la masse.

On voit que je n’admets ici que deux sortes d’argiles, l’une pure et l’autre impure, à laquelle j’applique spécialement le nom de glaise, pour qu’on ne puisse la confondre avec la première ; et de même qu’il faut distinguer les argiles simples et pures des glaises ou argiles mélangées, l’on ne doit pas confondre, comme on l’a fait souvent, l’argile blanche

    l’eau, elles se durcirent promptement comme le plâtre, et on reconnut évidemment que cette matière était de véritable pierre spéculaire, le germe pour ainsi dire de la pierre à plâtre. Comme j’examinais un jour les différentes matières qu’on tirait de cette fouille, un troupeau de cochons, que le pâtre ramenait de la campagne, passa près de là, et je ne fus pas peu surpris de voir tout à coup ces animaux se jeter brusquement sur la terre de cette fouille la plus nouvellement tirée et la plus molle, et la dévorer avec avidité ; ce qui arriva encore en ma présence plusieurs fois de suite : outre les coquillages des premières couches, celle-ci contenait des limas de mer lisses, d’autres limas hérissés de petits tubercules, des tellines, des cornes d’Ammon de la plus petite espèce, et quelques autres plus grandes qui avaient environ quatre pouces de diamètre : elles étaient toutes extrêmement minces et aplaties, et cependant très entières malgré leur extrême délicatesse ; il y avait surtout une grande quantité de bélemnites, toutes conoïdes, dont les plus grandes avaient jusqu’à sept et huit pouces de longueur ; elles étaient pointues comme un dard à l’une des extrémités, et l’extrémité opposée à leur base était terminée irrégulièrement et aplatie comme si elle eût été écrasée ; elles étaient brunes au dehors et au dedans, et formées d’une matière disposée intérieurement en forme de stries transversales ou rayons qui se réunissaient à l’axe de la bélemnite. Cet axe était dans toutes un peu excentrique, et marqué d’une extrémité à l’autre par une ligne blanche presque imperceptible, et lorsque la bélemnite était d’une certaine grosseur, la base renfermait un petit cône plus ou moins long, composé d’alvéoles en forme de plateaux, emboîtés les uns dans les autres comme les nautiles, au sommet duquel se terminait alors la ligne blanche : ce petit cône était revêtu dans toute sa longueur d’une pellicule crustacée, jaunâtre et très mince, quoique formée de plusieurs petites couches, et le corps de la bélemnite, disposé en rayons qui recouvraient le tout, devenait d’autant plus mince que le petit cône acquérait un plus grand diamètre ; telles étaient à peu près toutes les bélemnites que l’on trouva éparses dans la terre que l’on avait tirée de la fouille, ce qui est commun à toutes celles de cette espèce.

    Pour savoir dans quelle situation ces bélemnites étaient placées dans les couches de la terre, on en délita plusieurs morceaux avec précaution, et on reconnut qu’elles étaient toutes couchées à plat et parallèlement aux différents lits ; mais ce qui nous surprit, et ce qui n’a pas encore été observé, c’est qu’on s’aperçut alors que l’extrémité de la base de toutes ces bélemnites, était toujours adhérente à une sorte d’appendice de couleur jaunâtre, d’une substance semblable à celle des coquilles, et qui avait la forme de la partie évasée d’un entonnoir qui aurait été aplatie, dont plusieurs avaient près de deux pouces de longueur, un pouce de largeur à la partie supérieure, et environ six lignes à l’endroit où ils étaient adhérents à la base de la bélemnite ; et en examinant de près ce prolongement testacé ou crustacé, qui est si fragile qu’on ne peut presque le toucher sans le rompre, je remarquai que cette partie de la bélemnite qu’on n’a pas jusqu’ici connue, n’est autre chose que la continuation de la coquille mince ou du têt qui couvre le petit cône chambré dont j’ai parlé, en sorte qu’on peut dire que toutes les bélemnites qui sont actuellement dans les cabinets d’histoire naturelle ne sont point entières, et que ce que l’on en connaît n’est en quelque façon que l’étui ou l’enveloppe d’une partie de la coquille, ou du têt qui renfermait autrefois l’animal.

    Jusqu’à présent, les auteurs n’ont pu se concilier sur la nature des bélemnites : les uns, tels que Woodward (Histoire naturelle de la terre), les ont regardées comme une matière minérale du genre des talcs ; M. Bourguet (Lettres philosophiques) a prétendu qu’elles n’étaient autre chose que des dents de ces poissons qu’on nomme souffleurs, et d’autres les ont prises pour des cornes d’animaux pétrifiées ; mais la vraie forme de la bélemnite mieux connue, et surtout cette partie crustacée qui est à sa base lorsqu’elle est entière, pourront