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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 3.pdf/89

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sent perpendiculairement, sont retenues et contenues en stagnation, presque sans mouvement, entre les différents lits de cette glaise ; et c’est dans cet état de repos que l’eau donne naissance aux productions hétérogènes qu’on trouve dans la glaise et que nous devons indiquer ici.

1o Comme il y a dans toutes les argiles transportées et déposées par les eaux de la mer un très grand nombre de coquilles, telles que cornes d’Ammon, bélemnites et plusieurs autres dépouilles des animaux testacés et crustacés, l’eau les décompose et même les dissout peu à peu ; elle se charge de ces molécules dissoutes, les entraîne et les dépose dans les petits vides ou cavités qu’elle rencontre entre les lits d’argile ; ce dépôt de matière calcaire devient bientôt une pierre plus ou moins solide, ordinairement plate et en petit volume ; cette pierre, quoique formée de substance calcaire, ne contient jamais de coquilles, parce qu’elle n’est composée que de leurs détriments, trop divisés pour qu’on puisse reconnaître les vestiges de leur forme. D’ailleurs les eaux pluviales, en s’infiltrant dans les rochers calcaires et dans les terres qui surmontent les glaises, entraînent un sable de la même nature que ces rochers ou ces terres, et ce sablon calcaire, en se mêlant avec l’argile délayée par l’eau, forme souvent des pierres mi-parties de ces deux substances. On reconnaît ces pierres argilo-calcaires à leur couleur, qui est ordinairement bleue, brune ou noire, et comme elles se forment entre les lits de la glaise, elles sont plates et n’ont guère qu’un pouce ou deux d’épaisseur ; elles ne sont séparées les unes des autres que par de petites fentes verticales, et elles forment une couche mince et horizontale entre les lits de glaise. Ces pierres mixtes sont presque toujours plus dures que les pierres calcaires pures ; elles se calcinent plus difficilement et résistent à l’action des acides, d’autant plus qu’elles contiennent moins de matières calcaires.

2o L’on trouve aussi de petites couches de plâtre entre les lits de glaise ; or, le plâtre n’est qu’une matière calcaire pénétrée d’acides[NdÉ 1], et comme il y a dans toutes les glaises, indépendamment des coquilles, une quantité plus ou moins grande de sable calcaire infiltrée par les eaux, et qu’en même temps on ne peut douter que l’acide n’y soit aussi très abondamment répandu, puisqu’on trouve communément des pyrites martiales dans ces mêmes glaises, il paraît clair que c’est par la réunion de la matière calcaire à l’acide que se produisent les premières molécules gypseuses, qui, étant ensuite entraînées et déposées par la stillation des eaux, forment ces petites couches de plâtre qui se trouvent entre les lits des glaises.

3o Les pyrites qu’on trouve dans ces glaises sont ordinairement en forme aplatie, et toutes séparées les unes des autres, quoique disposées sur un même niveau entre les lits de glaise ; et comme ces pyrites sont composées de la matière du feu fixe, de terre ferrugineuse et d’acide, elles démontrent dans les glaises, non seulement la présence de l’acide, mais encore celle du fer ; et en effet, les eaux, en s’infiltrant, entraînent les molécules de la terre limoneuse qui contient la matière du feu fixe, ainsi que celle du fer, et ces molécules, saisies par l’acide, ont produit des pyrites dont l’établissement s’est fait de la même manière que celui des petites couches de plâtre ou de pierre calcaire entre les lits de glaise. La seule différence est que ces dernières matières sont en petites couches continues et d’égale épaisseur, au lieu que les pyrites sont pelotonnées sur un centre ou aplaties en forme de galets, et qu’elles n’ont entre elles ni continuité ni contiguïté que par un petit cordon de matière pyriteuse, qui souvent communique d’une pyrite à l’autre.

4o L’on trouve aussi dans les glaises de petites masses de charbon de terre et de jayet, et de plus il me paraît qu’elles contiennent une matière grasse qui les rend imperméables à

  1. Le plâtre est le produit de la calcination du gypse, qui est lui-même du sulfate de chaux hydraté. Quand on calcine le gypse il se transforme, par la perte de son eau, en sulfate de chaux anhydre qui constitue le plâtre.