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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 3.pdf/90

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l’eau[1]. Or, ces matières huileuses ou bitumineuses, ainsi que le jayet et le charbon de terre, ne proviennent que des détriments des animaux et des végétaux, et ne se trouvent dans la glaise que parce qu’originairement, lorsqu’elle a été transportée et déposée par les eaux de la mer, ces eaux étaient mêlées de terres limoneuses, et déjà fortement imprégnées des huiles végétales et animales, produites par la pourriture et la décomposition des êtres organisés : aussi, plus on descend dans la glaise, plus les couches paraissent être bitumineuses ; et ces couches inférieures de la glaise se sont formées en même temps que les couches de charbon de ferre ; toutes ont été établies par le mouvement et par les sédiments des eaux qui ont transporté et mêlé les glaises avec les débris des coquilles et les détriments des végétaux.

Les glaises ont communément une couleur grise, bleue, brune ou noire, qui devient d’autant plus foncée qu’on descend plus profondément[2] ; elles exhalent en même temps une odeur bitumineuse, et, lorsqu’on les cuit au feu, elles répandent au loin l’odeur de l’acide vitriolique. Ces indices prouvent encore qu’elles doivent leur couleur au fer, et que, les couches inférieures recevant les égouts des couches supérieures, la teinture du fer y est plus forte et la quantité des acides plus grande : aussi cette glaise des couches les plus basses est-elle non seulement plus brune ou plus noire, mais encore plus compacte, au point de devenir presque aussi dure que la pierre. Dans cet état, la glaise prend les noms de schiste et d’ardoise ; et quoique ces deux matières ne soient vraiment que des argiles durcies, comme elles en ont dépouillé la ductilité, qu’elles semblent aussi avoir acquis de nouvelles qualités, nous avons cru devoir les séparer des argiles et des glaises, et en traiter dans l’article suivant.


  1. C’est probablement par l’affinité de son huile avec les autres huiles ou graisses, que la glaise peut s’en imbiber et les enlever sur les étoffes ; c’est cette huile qui la rend pétrissable et douce au toucher, et lorsque cette huile se trouve mêlée avec des sels, elle forme une terre savonneuse telle que la terre à foulon.
  2. Il y a des différences très marquées, entre une couche de glaise et une autre couche : celles qui se trouvent immédiatement sous la terre végétale sont un peu jaunâtres et marbrées de jaune et de gris ; celles qui suivent sont ordinairement d’un gris bleuâtre qui devient d’autant plus foncé et plus brun qu’elles s’éloignent davantage de la superficie de la terre, et la plupart des couches les plus profondes sont presque noires, et elles brûlent quelquefois, s’enflamment et répandent une odeur bitumineuse comme le charbon de terre ; la cause de ces différences me paraît assez évidente, car les premières couches de glaise, étant continuellement humectées par les eaux pluviales, qui ne font que cribler à travers la couche de terre végétale sans s’y arrêter, ne sont molles que parce qu’elles sont toujours imbibées d’eau qui ne peut s’écouler dans cette terre qu’avec lenteur, et les couches inférieures, au contraire, étant d’autant plus comprimées par les couches supérieures qu’elles sont plus profondes, et l’eau y pénétrant plus difficilement, sont aussi d’autant plus compactes et d’autant plus dures.

    Les couches d’argile les plus superficielles sont jaunâtres ou mêlées de jaune et de gris, parce que les eaux pluviales en s’infiltrant dans la couche de terre végétale, qui est toujours d’un jaune plus ou moins foncé, entraînent les molécules de cette terre les plus atténuées, et en s’écoulant dans les couches de glaise les plus proches y déposent cette terre jaune, et leur communiquent ainsi cette couleur ; ces eaux arrivant encore chargées de cette même terre à des couches trop compactes et trop dures pour pouvoir s’y infiltrer, elles serpentent entre les fentes et les joints de ces couches, et abandonnent peu à peu cette terre jaune dont on peut suivre la trace à de grandes profondeurs. (Suite de la Note communiquée par M. Nadault.)