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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 3.pdf/95

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d’autres qui ont subi un plus grand degré de décomposition. On y trouve de même de petits lits de ce sable à demi décomposé, et dans les ardoises et les schistes le mica y est souvent aussi atténué, aussi doux au toucher que le talc ; en sorte qu’on peut suivre les nuances successives de cette décomposition des sables vitreux jusqu’à leur conversion en argile. Les glaises mélangées de ces sables vitreux, trop peu décomposés, n’ont point encore acquis leur entière ductilité ; mais en général l’argile, même la plus molle, devient d’autant plus dure qu’elle est plus desséchée et plus imprégnée de bitume, et d’autant plus feuilletée qu’elle est plus mêlée de mica.

Je ne vois pas qu’on puisse attribuer à d’autres causes qu’au dessèchement et au mélange du mica et du bitume cette sécheresse des ardoises et des schistes, qui se reconnaît jusque dans leurs molécules, et j’imagine que comme elles sont mêlées de particules micacées en assez grande quantité, chaque paillette de mica aura dû attirer l’humidité de chaque molécule d’argile, et que le bitume, qui se refuse à toute humidité, aura pu durcir l’argile au point de la changer en schiste et en ardoise ; dès lors les molécules d’argile seront demeurées sèches, et les schistes composés de ces molécules desséchées et de celles du mica auront acquis assez de dureté pour être, comme les bitumes, impénétrables à l’eau ; car, indépendamment de l’humidité que les micas ont dû tirer de l’argile, on doit encore observer qu’étant mêlés en quantité dans tous les schistes et ardoises, le seul mélange de ces particules sèches, qui paraît être moins intime qu’abondant, a dû laisser de petits vides par lesquels l’humidité contenue dans les molécules d’argile a pu s’échapper.

Cette quantité de mica que contiennent les ardoises, me semble leur donner quelques rapports avec les talcs ; et si l’argile fait le fond de la matière de l’ardoise, on peut croire que le mica en est l’alliage et lui donne la forme, car les ardoises se délitent, comme le talc, en feuilles minces, elles participent de sa sécheresse et résistent de même aux impressions des éléments humides ; enfin elles se changent également en verre brun par un feu violent. L’ardoise paraît donc participer de la nature de ce verre primitif ; on le voit en la considérant attentivement au grand jour : sa surface présente une infinité de particules micacées, d’autant plus apparentes que l’ardoise est de meilleure qualité.

La bonne ardoise ne se trouve jamais dans les premières couches du schiste ; les ardoisières les moins profondes sont à trente ou quarante pieds ; celles d’Angers sont à deux cents. Les derniers lits de l’ardoise, comme ceux de l’argile, sont plus noirs que les premiers : cette ardoise noire des lits inférieurs, exposée à l’air pendant quelque temps, prend néanmoins comme les autres la couleur bleuâtre que nous leur connaissons et que toutes conservent très longtemps ; elles ne perdent cette couleur bleue que pour en prendre une plus tendre d’un blanc grisâtre, et c’est alors qu’elles brillent de tous les reflets des particules micacées qu’elles contiennent, et qui se montrent d’autant plus que ces ardoises ont été plus anciennement exposées aux impressions de l’air.

L’ardoise ne se trouve pas dans les argiles molles et pénétrées de l’humidité des eaux, mais dans les schistes, qui ne sont eux-mêmes que des ardoises grossières ; les minières d’ardoises s’annoncent ordinairement[1] par un lit de schiste noirâtre de quelques pouces

  1. « L’ardoise d’Angers est formée par des bancs plus ou moins hauts, d’une pierre qu’on lève aisément par feuillets, et qui sont inclinés à l’horizon : ces bancs ont en général une hauteur verticale assez considérable ; les premiers sont ordinairement ceux qui sont les moins hauts, et celui qui est à la surface de la terre n’est souvent composé que de petits quartiers de pierre qui ont une figure rhomboïdale, et qui se détachent aisément les uns des autres.

    » Après ce banc, il n’est pas rare d’en voir qui ont plusieurs pieds de hauteur, et cette hauteur augmente à mesure que les bancs sont plus profonds, de façon que ceux d’en bas ont vingt à trente pieds dans cette dimension sur une largeur indéterminée ; ce sont