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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/144

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on tire l’alun de Rome, seraient de la même nature que nos pierres à plâtre, si la matière calcaire n’y était pas mêlée d’une plus grande quantité d’argile ; ce sont, à mon avis, des marnes plus argileuses que calcaires, qui ont été pénétrées de l’acide vitriolique, et qui par conséquent peuvent fournir également de l’alun et de la sélénite.

3o L’alun ne se tire pas de l’argile blanche et pure qui est de première formation, mais des glaises ou argiles impures qui sont de seconde formation, et qui toutes contiennent des corps marins, et sont par conséquent mélangées de substance calcaire, et souvent aussi de terre limoneuse.

4o Comme l’alun se tire aussi des pyrites, et même en grande quantité, et que les pyrites contiennent de la terre ferrugineuse et limoneuse, il me semble qu’on peut en inférer que la terre qui sert de base à l’alun est aussi mélangée de terre limoneuse, et je ne sais si le grand boursouflement que ce sel prend au feu ne doit être attribué qu’à la raréfaction de son eau de cristallisation, et si cet effet ne provient pas, du moins en partie, de la nature de la terre limoneuse qui, comme je l’ai dit, se boursoufle au feu, tandis que l’argile pure y prend de la retraite.

5o Et ce qui me paraît encore plus décisif, c’est que l’acide vitriolique, même le plus concentré, n’a aucune action sur la terre vitrifiable pure, et qu’il ne l’attaque qu’autant qu’elle est mélangée de parties alcalines ; il n’a donc pu former l’alun avec la terre vitrifiable simple ou avec l’argile pure, puisqu’il n’aurait pu les saisir pour en faire la base de ce sel, et qu’en effet il n’a saisi l’argile qu’à cause des substances calcaires ou limoneuses dont cette terre vitrifiable s’est trouvée mélangée.

Quoi qu’il en soit, il est certain que toutes les matières dont on tire l’alun ne sont ni purement vitreuses ni purement calcaires ou limoneuses, et que les pyrites, les pierres d’alun et les terres alumineuses, contiennent non seulement de la terre vitrifiable ou de l’argile en grande quantité, mais aussi de la terre calcaire ou limoneuse en petite quantité ; ce n’est que quand cette terre de l’alun a été travaillée par des opérations qui en ont séparé les terres calcaires et limoneuses qu’elle a pu devenir une argile pure sous la main de nos chimistes. Cependant M. le baron de Dietrich prétend[1] « que la terre qui fournit l’alun, et que l’on tire à la Tolfa, est une véritable argile qui ne contient point, ou très peu de parties calcaires ; que la petite quantité de sélénite qui se forme pendant la manipulation ne prouve pas qu’il y ait de la terre calcaire dans la terre d’alun… et que la chaux qui produit la sélénite peut très bien provenir des eaux avec lesquelles on arrose la pierre après l’avoir calcinée. » Mais, quelque confiance que puissent mériter les observations de cet habile minéralogiste, nous ne pouvons nous empêcher de croire que la terre dont on retire l’alun ne soit composée d’une grande quantité d’argile, et d’une certaine portion de terre limoneuse et de terre calcaire ; nous ne croyons pas qu’il soit nécessaire d’insister sur les raisons que nous venons d’exposer, et qui me semblent décisives ; l’impuissance de l’acide vitriolique sur les matières vitrifiables suffit seule pour démontrer qu’il n’a pu former l’alun avec l’argile pure : ainsi l’argile vitriolique a existé longtemps avant l’alun, qui n’a pu être produit qu’après la naissance des coquillages et des végétaux, puisque leurs détriments sont entrés dans sa composition.

La nature ne nous offre que très rarement et en bien petite quantité de l’alun tout formé ; on a donné à cet alun natif le nom d’alun de plume, parce qu’il est cristallisé en filets qui sont arrangés comme les barbes d’une plume[2] ; ce sel se présente plus souvent en efflo-

  1. Lettres sur la Minéralogie, par M. Ferber. Note de M. le baron de Dietrich, p. 315 et 316.
  2. Les rochers qui entourent l’île de Melo sont d’une nature de pierre légère, spongieuse, qui semble porter l’empreinte de la destruction. La pierre des anciennes carrières que je visitai offre les mêmes caractères ; toutes les parois de ces galeries souterraines sont couvertes d’alun qui s’y forme continuellement ; on y trouve le superbe et véritable alun de