Aller au contenu

Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rescence de formes différentes sur la surface de quelques minéraux pyriteux ; sa saveur est acerbe et styptique, et son action très astringente : ces effets, qui proviennent de l’acide vitriolique, démontrent qu’il est plus libre et moins saturé dans l’alun que dans la sélénite, qui n’a point de saveur sensible, et en général le plus ou moins d’action de toute matière saline dépend de cette différence ; si l’acide est pleinement saturé par la matière qu’il a saisie, comme dans l’argile et le gypse, il n’a plus de saveur, et moins il est saturé, comme dans l’alun et les vitriols métalliques, plus il est corrosif ; cependant la qualité de la base dans chaque sel influe aussi sur sa saveur et son action ; car plus la matière de ces bases est dense et pesante, plus elle acquiert de masse et de puissance par son union avec l’acide, et plus la saveur qui en résulte a de force.

Il n’y a point de mines d’alun proprement dites, puisqu’on ne trouve nulle part ce sel en grandes masses comme le sel marin, ni même en petites masses comme le vitriol ; mais on le tire aisément des argiles qui portent le nom de terres alumineuses, parce qu’elles sont plus chargées d’acide, et peut-être plus mélangées de terre limoneuse ou calcaire que les autres argiles : il en est de même de ces pierres d’alun dont nous venons de parler, et qui sont argilo-calcaires ; on le retire aussi des pyrites dans lesquelles l’acide vitriolique se trouve combiné avec la terre ferrugineuse et limoneuse : la simple lessive à l’eau chaude suffit pour extraire ce sel des terres alumineuses ; mais il faut laisser effleurir les pyrites à l’air, ainsi que ces pierres d’alun, ou les calciner au feu et les réduire en poudre avant de les lessiver pour en obtenir l’alun.

L’eau bouillante dissout ce sel plus promptement et en bien plus grande quantité que l’eau froide ; il se cristallise par l’évaporation et le refroidissement ; la figure de ses cristaux varie comme celle de tous les autres sels. M. Bergman assure néanmoins que, quand la cristallisation de l’alun n’est pas troublée, il forme des octaèdres parfaits[1], transparents et sans couleur comme l’eau. Cet habile et laborieux chimiste prétend aussi s’être assuré que ces cristaux contiennent trente-neuf parties d’acide vitriolique, seize parties et demie d’argile pure, et quarante-cinq parties et demie d’eau[2] ; mais je soupçonne que dans son eau, et peut-être même dans son acide vitriolique, il est resté de la terre calcaire ou limoneuse, car il est certain que la base de l’alun en contient : l’acide, quoiqu’en si grande quantité, relativement à celle de la terre qui lui sert de base, est néanmoins si fortement uni avec cette terre qu’on ne peut l’en séparer que par le feu le plus violent ; il n’y a d’autre moyen de les désunir qu’en offrant à cet acide des alcalis, ou quelque matière inflammable avec lesquelles il ait encore plus d’affinité qu’avec sa terre ; on retire par ce moyen l’acide vitriolique de l’alun calciné, on en forme du soufre artificiel, et du pyrophore qui a la propriété de s’enflammer par le seul contact de l’air[3].

L’alun qui se tire des matières pyriteuses s’appelle dans le commerce alun de glace ou alun de roche ; il est rarement pur, parce qu’il retient presque toujours quelques parties

    plume, qu’il ne faut pas confondre avec l’amiante, quoique à la première inspection il soit souvent facile de s’y tromper. L’alun de Melo était fort estimé des anciens ; Pline en parle, et paraît même désigner cet alun de plume dans le passage suivant : « Concreti aluminis unum genus schiston appellent Græci, in capillamenta quædam canescentia dehiscens ; unde quidam trichitin potiùs appellavere. » Lib. xxxv, cap. xv. Voyage pittoresque de la Grèce, par M. le comte de Choiseul-Gouffier, in-folio, p. 12.

  1. M. Demeste dit avec plus de fondement, ce me semble, que « ce sel se cristallise en effet en octaèdres rectangles lorsqu’il est avec excès d’acide, mais que la forme de ces octaèdres varie beaucoup ; que leurs côtés et leurs angles sont souvent tronqués, et que d’ailleurs il a vu des cristaux d’alun parfaitement cubiques, et d’autres rectangles. » Lettres, t. II, p. 220.
  2. Opuscules chimiques, t. Ier, p. 309 et 310.
  3. Dictionnaire de Chimie, par M. Macquer, article Alun.