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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/406

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Cette union des graisses avec le mercure paraît même être plus intime que celle de l’amalgame qui se fait à froid avec l’or et l’argent[1], parce que deux fluides qui ont ensemble quelque affinité se mêleront toujours plus aisément qu’un solide avec un fluide, quand même il y aurait entre eux une forte attraction : ainsi les graisses agissent peut-être plus puissamment que ces métaux sur la substance du mercure, parce qu’en se rancissant elles saisissent l’acide aérien, qui doit agir sur le mercure ; et la preuve en est qu’on peut le retirer sans aucune perte de tous les amalgames, au lieu qu’en fondant la graisse on ne le retire pas en entier, surtout si l’onguent a été gardé assez longtemps pour que la graisse ait exercé toute son action sur le mercure[2].

Considérant maintenant les effets des dissolvants sur le mercure, nous verrons que les acides ne le dissolvent pas également comme ils dissolvent les métaux, puisque le plus puissant de tous, l’acide vitriolique, ne l’attaque qu’au moyen d’une forte chaleur[3] ; il en est à peu près de même de l’acide marin : pour qu’il s’unisse intimement avec le mercure, il faut que l’un et l’autre soient réduits en vapeurs, et de leur combinaison résulte un sel d’une qualité très funeste, qu’on a nommé sublimé corrosif ; dans cet état forcé, le mercure ne laisse pas de conserver une si grande attraction avec lui-même, qu’il peut se surcharger des trois quarts de son poids de mercure nouveau[4] ; et c’est en chargeant ainsi le sublimé

  1. Il ne faut pas regarder le mercure comme simplement distribué et entremêlé avec les parties de la graisse dans l’onguent mercuriel : il est très certain, au contraire, qu’il y a adhérence et combinaison, même très intime, au moins d’une portion du mercure avec la graisse ;… car, lorsqu’il est fait depuis un temps, on ne peut plus, en le fondant, retirer tout le mercure qu’on y avait mis. Dictionnaire de chimie, par M. Macquer, article Mercure.
  2. Quoique le mercure soit susceptible de se diviser lorsqu’on le triture avec une huile grasse, il ne paraît pas qu’il y ait réellement dissolution… Le mercure se combine plus facilement avec les graisses animales, qui ne sont néanmoins qu’une espèce d’huile où l’acide est plus abondant et qui manifestent d’ailleurs les mêmes affinités que les autres substances huileuses. On ne doit pas néanmoins attribuer l’action de ces graisses sur le mercure à l’acide phosphorique qu’elles contiennent.

    C’est en combinant la graisse avec le mercure que l’on forme la pommade mercurielle… Dans cet onguent, les parties de mercure ne paraissent pas simplement distribuées ou entremêlées avec les parties de la graisse ; on est fondé à penser, au contraire, qu’il y a adhérence et union, même très intime, car cette graisse de l’onguent mercuriel se rancit très promptement, comme il arrive à toutes les matières huileuses qui entrent dans quelque combinaison…

    Lorsque l’onguent mercuriel est vieux, si on le frotte entre deux papiers gris, la graisse s’imbibe dans le papier et l’on ne voit point de globules de mercure ; il n’en est pas de même lorsque cet onguent est récent ; on y découvre très aisément une grande quantité de parties métalliques. Toutes ces observations prouvent qu’il y a une vraie combinaison, une union intime dans ce mélange lorsqu’il est vieux. Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. III, p. 389 et suiv.

  3. L’acide vitriolique, dans son état ordinaire, n’agit point ou n’agit que très faiblement et très mal sur le mercure en masse. Ces deux substances ne peuvent se combiner ensemble, à moins que l’acide ne soit dans le plus grand degré de concentration et secondé par la chaleur la plus forte… Lorsque cet acide est bien concentré, il réduit le mercure en une masse saline de couleur blanche, appelée vitriol de mercure.

    Si on expose à l’action du feu la combinaison de l’acide vitriolique avec le mercure, la plus grande partie de cet acide s’en détache ; mais, une chose fort remarquable, c’est que le mercure, traité ainsi par l’acide vitriolique, soutient une plus grande chaleur et paraît, par conséquent, un peu plus fixe que quand il est pur. Cette fixité est une suite de son état de chaux. Dictionnaire de chimie, par M. Macquer, article Mercure.

  4. L’acide marin en liqueur n’agit point sensiblement sur le mercure en masse, même lorsqu’il est aidé de la chaleur de l’ébullition ; mais lorsque cet acide très concentré est réduit en vapeurs et qu’il rencontre le mercure réduit aussi en vapeurs, alors ils s’unissent