Aller au contenu

Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/407

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

corrosif de nouveau mercure, qu’on en diminue la qualité corrosive, et qu’on en fait une préparation salutaire, qu’on appelle mercure doux, qui contient en effet si peu de sel marin qu’il n’est pas dissoluble dans l’eau ; on peut donc dire que le mercure oppose une grande résistance à l’action de l’acide vitriolique et de l’acide marin ; mais l’acide nitreux le dissout avec autant de promptitude que d’énergie : lorsque cet acide est pur, il a la puissance de le dissoudre sans le secours de la chaleur ; cette dissolution produit un sel blanc qui peut se cristalliser, et qui est corrosif comme celui de la dissolution d’argent par cet acide[1]. Dans cette dissolution, le mercure est en partie calciné ; car, après la formation des cristaux, il se précipite en poudre d’un jaune citrin qu’on peut regarder comme une chaux de mercure. Au reste, l’acide nitreux, qui dissout si puissamment le mercure coulant, n’attaque point le cinabre, parce que le mercure y est défendu par le soufre qui l’enveloppe, et sur lequel cet acide n’a point d’action. Cette différence entre le mercure et le soufre semble indiquer qu’autant le soufre contient de feu fixe, autant le mercure en est privé, et cela confirme l’idée que l’essence du mercure tient plus à l’élément de l’eau qu’à celui du feu.

Des acides végétaux, celui du tartre est le seul qui agisse sensiblement sur le mercure ; le vinaigre ne l’attaque pas dans son état coulant, et ne s’unit qu’avec sa chaux ; mais en triturant longtemps la crème de tartre avec le mercure coulant, on vient à bout de les unir en y ajoutant néanmoins un peu d’eau ; on pourrait donc dire qu’aucun acide végétal n’agit directement et sans intermède sur le mercure. Il en est de même des acides qu’on peut tirer des animaux ; ils ne dissolvent ni n’attaquent le mercure, à moins qu’ils ne soient mêlés d’huile ou de graisse, en sorte qu’à tout considérer, il n’y a que l’acide aérien qui agisse à la longue par l’intermède des graisses sur le mercure, et l’acide nitreux qui le dissolve d’une manière directe et sans intermède : car les alcalis fixes ou volatils n’ont aucune action sur le mercure coulant, et ne peuvent se combiner avec lui que quand ils le saisissent en vapeurs ou en dissolutions ; ils le précipitent alors sous la forme d’une poudre ou chaux, mais que l’on peut toujours revivifier sans addition de matière charbonneuse ou inflammable ; on produit cet effet par les seuls rayons du soleil, au foyer d’un verre ardent.

Une preuve particulière de l’impuissance des acides végétaux ou animaux pour dissoudre le mercure, c’est que l’acide des fourmis, au lieu de dissoudre sa chaux, la revivifie ; il ne faut pour cela que les tenir ensemble en digestion[2].

Le mercure n’étant par lui-même ni acide, ni alcalin, ni salin, ne me paraît pas devoir être mis au nombre des dissolvants, quoiqu’il s’attache à la surface et pénètre les pores de l’or, de l’argent et de l’étain : ces trois métaux sont les seules matières auxquelles il s’unit dans son état coulant, et c’est moins une dissolution qu’une humectation ; ce n’est

    d’une manière très intime. Il en résulte un sel marin mercuriel cristallisé en aiguilles aplaties et qu’on a nommé sublimé corrosif, parce que l’on ne l’obtient que par la sublimation. L’affinité de l’acide marin avec le mercure est si grande, qu’il se charge, en quelque sorte, d’une quantité considérable de cette matière métallique… Le sublimé corrosif peut absorber et se charger peu à peu, par la trituration, des trois quarts de son poids de nouveau mercure. Dictionnaire de chimie, par M. Macquer, article Mercure.

  1. L’acide nitreux dissout très bien le mercure : dix onces de bon acide suffisent pour achever la dissolution de huit onces de ce métal ; il l’attaque même à froid et produit effervescence et chaleur… La dissolution se colore d’abord en bleu, par l’union du principe inflammable ; il s’y forme, par le refroidissement, un sel neutre, non déliquescent, disposé en aiguilles : c’est le nitre mercuriel… M. Baumé remarque que la dissolution de nitre mercuriel, refroidie sur le bain de sable, donnait des aiguilles perpendiculaires et que, refroidie loin du feu, elle donnait des aiguilles horizontales. Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. II, p. 179 et suiv.
  2. Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. II, p. 15.