Aller au contenu

Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Japon[1], et l’on pourrait assurer qu’il existe de même des charbons de terre dans toutes les autres parties de l’Asie. On en a trouvé à Sumatra, aux environs de Sillida[2] ; on en connaît aussi quelques mines en Afrique et à Madagascar[3].

En Amérique, il y a des mines de charbon de terre comme dans les autres parties du monde. Celles du cap Breton sont horizontales, faciles à exploiter, et ne sont qu’à six ou huit pieds de profondeur : un feu, qu’il n’est pas possible d’étouffer, a embrasé une de ces mines[4], dont les trois principales sont situées : la première, dans les terres de la baie de Moridiemée ; la seconde, dans celles de la baie des Espagnols, et la troisième dans la petite île Bras-d’Or ; cette dernière a cela de particulier que son charbon contient de l’antimoine. Le toit de ces mines est, comme partout ailleurs, chargé d’empreintes de végétaux[5]. Il y aussi des mines de charbon à Saint-Domingue[6], à Cumana, dans la Nouvelle-Andalousie[7] ; et l’on a trouvé, en 1768, une de ces mines dans l’île de la Providence, l’une des Lucaies, où le charbon est de bonne qualité. On en connaît d’autres au Canada, dans les terres de Saquenai, vers le bord septentrional du fleuve Saint-Laurent, et dans celles de l’Acadie ou Nouvelle-Écosse ; enfin on en a vu jusque dans les terres de la baie Disko, sur la côte du Groenland[8].

Ainsi l’on peut trouver dans tous les pays du monde, en fouillant les entrailles de la terre, cette matière combustible déjà très nécessaire aujourd’hui dans les contrées dénuées de bois, et qui le deviendra bien davantage à mesure que le nombre des hommes augmentera et que le globe qu’ils habitent se refroidira ; et non seulement cette matière peut en tout et partout remplacer le bois pour les usages du feu, mais elle peut même devenir plus utile que le charbon de bois pour les arts, au moyen de quelques précautions dont il est bon de faire ici mention, parce qu’elles nous donneront encore des connaissances sur les différentes matières dont ces charbons sont composés ou mélangés.

À Liège et dans les environs, où l’usage du charbon est si ancien, on ne se sert, pour le chauffage ordinaire, dans le plus grand nombre des maisons, que du menu charbon, c’est-à-dire des débris du charbon, qui se tire en blocs et en masses ; on sépare seulement de ces menus charbons les matières étrangères qui s’y trouvent mêlées en volume apparent, et surtout les pyrites qui pourraient faire explosion dans le feu ; et pour augmenter la quantité et la durée du feu de ce charbon, on le mêle avec des terres grasses, limoneuses ou argileuses[9] des environs de la mine, et ensuite on en fait des pelotes qu’on

  1. Le charbon de terre ne manque pas au Japon : il sort en abondance de la province de Tikusen, des environs de Kuganissu et des provinces septentrionales. Histoire générale des Voyages, tome X, p. 655.
  2. Du charbon de terre, par M. Morand, p. 441.
  3. Histoire générale des Voyages, tome VIII, p. 619.
  4. Histoire politique et philosophique des deux Indes, tome VI, p. 138.
  5. Histoire générale des Voyages, t. XII, p. 218.
  6. Voyage de Coréal aux Indes occidentales ; Paris, 1722, tome Ier, p. 123.
  7. Du charbon de terre, par M. Morand, p. 89.
  8. Du charbon de terre, par M. Morand, p. 442.
  9. « L’action du feu sur le mélange de partie d’argile et de partie humide ne se fait, dit M. Morand, qu’au fur et à mesure ; ces dernières ne commencent à être attaquées que lorsque la terre grasse perdant son humidité, s’échauffant et se desséchant peu à peu, communique de proche en proche sa chaleur aux molécules de houille qu’elle enveloppe ; la graisse, l’huile ou le bitume qui y est incorporé se cuit par degrés, au point de s’étendre aussi de proche en proche à ces molécules d’argile et de venir à la surface de la pelote, d’où elle découle quelquefois en pleurs ou en gouttes. La masse d’air subtil qui n’a pas un libre essor se dégage en même temps, s’échappe peu à peu ; les vapeurs sulfureuses, bitumineuses, odorifères ou même malfaisantes qu’on voudra y supposer, ne pouvant point se dissiper ensemble et former un volume, s’en séparent et s’évaporent insensiblement. » —