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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/630

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tard, savant naturaliste de l’Académie, a comparé ces pierres à fusil de Vaugirard avec celles de Bougival, qui sont dispersées dans la craie ; et il a bien saisi leurs différences, quoiqu’elles aient été produites de même dans des matières calcaires et qu’elles présentent également des impressions de coquilles[1].

En général, les pierres à fusil se trouvent toujours dans les craies, les tufs, et quelquefois entre les bancs solides des pierres calcaires, au lieu que les vrais cailloux ne se trouvent que dans les sables, les argiles, les schistes et autres détriments des matières vitreuses : aussi les cailloux sont-ils purement vitreux, et les pierres à fusil sont toutes mélangées d’une plus ou moins grande quantité de matière calcaire ; il y en a même dont on peut faire de la chaux[2], quoiqu’elles étincellent contre l’acier.

Au reste, les pierres à fusil ne se trouvent que rarement dans les bancs de pierres calcaires dures, mais presque toujours dans les craies et les tufs qui ne sont que les détriments ou les poudres des premières matières coquilleuses déposées par les eaux, et souvent mêlées d’une certaine quantité de poudre de quartz ou de grès. On trouve de ces pierres à fusil dans plusieurs provinces de France[3] ; mais les

  1. On trouve dans les cailloux (pierres à fusil), dont les craies de Bougival sont lardées, non seulement des coquilles univalves et bivalves, mais quelques espèces de petits madrépores : les uns et les autres sont devenus de la nature de la pierre même où ils ont été enclavés… On y rencontre aussi quelques pointes d’oursins ou échinites enclavés dans la couche extérieure des cailloux (pierres à fusil)… On y voit encore une espèce de fossile qui est l’espèce la plus commune des bélemnites… Les cailloux (pierres à fusil) de Vaugirard ne sont point, comme à Bougival, répandus et dispersés dans des lits de craie, mais ils forment un lit horizontal entre des bancs de pierres : aussi ne sont-ils pas irréguliers comme ceux de Bougival, mais plats ; leur couleur n’est pas noirâtre, comme ces derniers, mais d’un brun grisâtre ; ils prennent un beau poli ; on en a fait des plaques de tabatières qui ont la transparence des agates ; leur couleur leur a été défavorable, et le public ne leur a pas fait l’accueil qu’il fait aux agates d’Allemagne, même les moins belles ; les joailliers qui en ont travaillé n’ont pu parvenir à les rendre un objet de commerce… On y observe plusieurs espèces de vis plus ou moins allongées, quelques petits limaçons, une ou deux espèces de cames, et quelquefois une espèce de moule, connue sous le nom de petit jamboneau, etc. Tous ces corps marins sont ordinairement devenus silex, ou plutôt ce ne sont que des noyaux formés dans les coquilles ; il ne reste de ces coquilles que des portions très mutilées qui forment des taches blanches, qui, étant emportées par le poliment, occasionnent des crevasses dans ces cailloux, lesquelles sont augmentées souvent par le déplacement des noyaux : ces défauts ont encore contribué, avec la couleur peu brillante de ces pierres, à les faire tomber en discrédit : quelquefois les coquilles sont en substance et à peu près dans leur entier. Mémoires de l’Académie des sciences, année 1764, p. 520 et suiv.
  2. On s’est trompé lorsqu’on a dit que les pierres à fusil ne se trouvaient pas en couches suivies, mais toujours en morceaux détachés, dispersés et formés dans les terres. Si M. Henckel venait à Madrid, il reviendrait de son erreur, car il verrait tous les environs remplis de pierres à fusil en couches suivies et continues, et qu’il n’y a ni maison ni bâtiment qui ne soient faits de la chaux de ces mêmes pierres dont on fait aussi de véritables pierres pour armer les fusils. Madrid est pavé de cette même pierre : j’ai remarqué, dans ses carrières, des morceaux qui contenaient une espèce d’agate rayée en façon de rubans rouges, bleus, verts et noirs, qui prennent bien le poli, et dont j’ai fait faire des tabatières ; mais ces couleurs disparaissent en faisant calciner la pierre qui, après, reste toute blanche, en conservant sa figure convexe d’un côté et concave de l’autre, telle qu’elle paraît quand on la casse ; aucun acide ne la dissout avant la calcination, mais après elle s’échauffe dans l’eau même plus promptement que la véritable pierre de chaux, et, en la mêlant avec du gravier ou gros sable du même terrain de Madrid, elle fait un mortier excellent pour bâtir, mais elle ne se lie pas si bien avec le sable de rivière. Histoire naturelle d’Espagne, par M. Bowles, p. 493 et suiv.
  3. Les territoires de Mennes et de Coussy dans le Berri, à deux lieues de Saint-Aignan,