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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/634

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calcaires de dernière formation, par une espèce de bousin ou pierre imparfaite, tendre et pulvérulente ; et les lits de bonne pierre meulière ont depuis un jusqu’à trois pieds d’épaisseur ; souvent il n’y en a que quatre ou cinq bancs les uns sur les autres, toujours séparés par un lit de bousin, et l’on ne connaît en France que la carrière de La Ferté-sous-Jouarre dans laquelle les lits de pierre meulière soient en plus grand nombre[1] ; mais partout ces petites carrières sont circonscrites, isolées, sans appendice ni continuité avec les pierres ou terres adjacentes ; ce sont des amas particuliers qui ne se sont faits que dans certains endroits où des sables vitreux, mêlés de terres calcaires ou limoneuses, ont été accumulés et déposés immédiatement sur la glaise qui a retenu les stillations de l’eau chargée de ces molécules pierreuses : aussi ces carrières de pierre meulière sont-elles assez rares et ne sont jamais fort étendues, quoiqu’on trouve en une infinité d’endroits des morceaux et de petits blocs de ces mêmes pierres dispersés dans les sables qui portent sur la glaise[2].

Au reste, il n’y a dans la pierre meulière qu’une assez petite quantité de matière calcaire, car cette pierre ne fait point effervescence avec les acides : ainsi la substance vitreuse recouvre et défend la matière calcaire qui, néanmoins, existe dans cette pierre, et qu’on en peut tirer par le lavage, comme l’a fait M. Geoffroy. Cette pierre n’est qu’un agrégat de pierres à fusil réunies par un ciment plus vitreux que calcaire ; les petites cavités qui s’y

  1. Les blocs de pierre meulière sont si grands à la Ferté-sous-Jouarre qu’on peut tirer de la même roche trois, quatre, cinq, et quelquefois même, mais rarement, six meules au-dessus l’une de l’autre : chacune de ces meules a deux pieds d’épaisseur sur six pieds et demi de largeur ; d’où il suit qu’il doit y avoir des roches de douze, et même de quinze pieds d’épaisseur… Cependant l’épaisseur du plus grand nombre des roches ne va guère qu’à six ou huit pieds… Les carriers de La Ferté dédaigneraient la plupart des pierres meulières qu’on tire à Houlbec, mais les carriers de La Ferté-sous-Jouarre veulent aussi, comme ceux de Houlbec, que la pierre meulière bleuâtre soit la meilleure ; ils demandent encore qu’elle ait beaucoup de cavités ; la blanche, la rousse ou la jaunâtre, sont aussi fort bonnes lorsqu’elles ne sont pas trop pleines ou trop dures… La couleur est indifférente pour la bonté des meules, pourvu qu’elles aient beaucoup de cavités, et qu’elles ne soient pas trop dures, afin que les meuniers puissent les repiquer plus aisément.

    Dans tout ce canton de La Ferté-sous-Jouarre, il faut percer avant de trouver la pierre meulière : 1o une couche de terre à blé ; 2o un banc fort épais de sable jaunâtre ; 3o un banc de glaise très sableuse, veinée de couleurs tirant sur le jaune et le rouge ; 4o le massif des pierres à meules qui a quelquefois vingt pieds d’épaisseur. Ces pierres ne forment pas des bancs continus : ce sont des rochers plus ou moins gros, isolés, qui peuvent avoir depuis six jusqu’à vingt-quatre pieds de diamètre et plus ; ce massif est posé sur un lit de glaise que l’on ne perce pas… Les carrières de pierres à meules ne sont pas à La Ferté même, mais à Tarterai, aux Bondons, à Montmenard, Morey, Fontaine-Breban, Fontaine-Cerise et Montmirail, où l’on prétend qu’elles sont moins bonnes. Mémoires de l’Académie des sciences, année 1758, p. 206 et suiv.

  2. La pierre meulière n’est pas rare en France : le haut de presque toutes les montagnes de la banlieue de Paris en produit, mais en petites masses. On en trouve de même dans une infinité d’autres endroits des provinces voisines, et dans d’autres lieux plus éloignés. Mémoires de l’Académie des sciences, année 1758, p. 225. — Il y a une circonstance qui est peut-être nécessaire pour que ces pierres aient une certaine grosseur ; c’est que, sous les sables, il se trouve un lit de glaise qui puisse apparemment arrêter le fluide chargé de la matière pierreuse, et l’obliger ainsi à déposer, en séjournant, cette matière qui doit s’y accumuler et former peu à peu des masses considérables ; cette glaise manquant, la matière pierreuse doit s’extravaser en quelque sorte, et former des pierres dispersées çà et là dans la masse du sable. Ce dernier effet peut encore, à ce qu’il me paraît, avoir pour cause la hauteur de cette masse sableuse : si le fluide qui porte cette matière a beaucoup d’étendue à traverser, il pourra déposer dans différents endroits la matière pierreuse dont il sera chargé, au lieu que, s’il trouve promptement un lit glaiseux qui le retienne, le dépôt de la matière se fera plus abondamment. Idem, ibidem, p. 225 et suiv.