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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/635

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trouvent proviennent non seulement des intervalles que ce ciment laisse entre les pierres à fusil, mais aussi des trous dont ces pierres sont elles-mêmes percées : en général, la plupart des pierres à fusil présentent des cavités, tant à leur surface que dans l’intérieur de leur masse, et ces cavités sont ordinairement remplies de craie, et c’est de cette même craie mêlée avec le suc vitreux dont est composé le ciment qui réunit les pierres à fusil dans la pierre meulière.

Ces pierres meulières ne se trouvent pas dans les montagnes et collines calcaires ; elles ne portent point d’impressions de coquilles ; leur structure ne présente qu’un amas de stalactites lamelleuses de pierres à fusil, ou de congélations fistuleuses des molécules de grès et d’autres sables vitreux, et l’on pourrait comparer leur formation à celle des tufs calcaires auxquels cette pierre meulière ressemble assez par sa texture, mais elle en diffère essentiellement par sa substance : ce n’est pas qu’il n’y ait aussi d’autres pierres dont on se sert, faute de celle-ci, pour moudre les grains. « La pierre de la carrière de Saint-Julien, diocèse de Saint-Pons en Languedoc, qui fournit les meules de moulin à la plus grande partie de cette province, consiste, dit M. de Gensane, en un banc de pierre calcaire parsemé d’un silex très dur de l’épaisseur de quinze ou vingt pouces, et tout au plus de deux pieds ; il se trouve à la profondeur de quinze pieds dans la terre, et est recouvert par un autre banc de roche calcaire simple qui a toute cette épaisseur, en sorte que, pour extraire les meules, on est obligé de couper et déblayer ce banc supérieur qui est très dur, ce qui coûte un travail fort dispendieux[1]. » On voit, par cette indication, que ces pierres calcaires parsemées de pierres à fusil, dont on se sert en Languedoc pour moudre les grains, ne sont pas aussi bonnes et doivent s’égrener plus aisément que les vraies pierres meulières dans lesquelles il n’y a qu’une petite quantité de matière calcaire intimement mêlée avec le suc vitreux, et qui réunit les pierres à fusil dont la substance de cette pierre est presque entièrement composée.


SPATHS FLUORS

C’est le nom que M. Margraff a donné à ces spaths ; et comme ils sont composés de matière calcaire et de parties sulfureuses ou pyriteuses, nous les mettons à la suite des matières qui sont composées de substances calcaires mélangées avec d’autres substances : on aurait dû conserver à ces spaths le nom de fluors pour éviter la confusion qui résulte de la multiplicité des dénominations ; car on les a appelés spaths pesants, spaths vitreux, spaths phosphoriques, et l’on a souvent appliqué les propriétés des spaths pesants à ces spaths fluors, quoique leur origine et leur essence soient très différentes. Margraff lui-même comprend, sous la dénomination de spaths fusibles, ces spaths fluors qui ne sont point fusibles : « Il y a, dit-il, des spaths fusibles composés de lames groupées ensemble d’une manière singulière ; ces lames n’ont aucune transparence, et leur couleur tire sur le blanc de lait ; d’autres affectent une figure cubique, ils sont plus ou moins transparents et diversement colorés ; on les connaît sous les noms de fluors, de fausses améthystes, de fausses émeraudes, de fausses topazes, de fausses hyacinthes, etc… Ils se trouvent ordinairement dans les filons des mines, et servent de matrice aux minéraux qu’ils renferment ; ils sont, outre cela, un peu plus durs que les spaths phosphoriques, c’est-à-dire que les spaths d’un blanc de lait. — Les spaths fusibles vitreux, c’est-à-dire ceux qui affectent une figure cubique, soumis au feu jusqu’à l’incandescence, jettent des étincelles dans l’obscurité, mais leur lueur est fort faible ; après quoi, ils se divisent

  1. Histoire naturelle du Languedoc, par M. de Gensane, t. II, p. 202.