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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/103

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volcan s’est allumé, et a dévoré toutes les parties intermédiaires. Je retrouve dans toute la côte de ce golfe, composée de rochers escarpés et calcinés, les bords de ce même foyer, et, si j’ose le dire, les parois internes du creuset où cette destruction s’est opérée ; mais ce qu’il faut surtout remarquer, c’est l’immense profondeur de cet abîme, dont on n’a jamais pu réussir à trouver le fond. »

Enfin nous devons encore observer, en général, que le Vésuve, l’Etna et les autres volcans, tant agissants qu’éteints, sont entourés de collines volcaniques projetées par les feux souterrains, et qui ont dû laisser à leur place des cavités égales à leur volume. Ces collines, composées de laves et de matières fondues ou projetées, sont connues en Italie sous le nom de monticolli, et elles sont si multipliées dans le royaume de Naples, que leurs bases se touchent en beaucoup d’endroits. Ainsi, le nombre des cavités ou boursouflures du globe, formées par le feu primitif, a dû diminuer par les affaissements successifs des cavernes, dont les eaux auront percé les voûtes, tandis que les feux souterrains ont produit d’autres cavités, dont nous pouvons estimer la capacité par le volume des matières projetées et par l’élévation des montagnes volcaniques.

Je serais même tenté de croire que les montagnes volcaniques des Cordillères, telles que Chimboraçao, Cotopaxi, Pichencha, Sangaï, etc., dont les feux sont actuellement agissants, et qui s’élèvent à plus de trois mille toises, ont été soulevées à cette énorme hauteur par la force de ces feux, puisque l’Etna nous offre un exemple d’un pareil soulèvement jusqu’à la hauteur de dix-huit cents toises, et dès lors, ces montagnes volcaniques des Cordillères ne doivent point être regardées comme des boursouflures primitives du globe, puisqu’elles ne sont composées ni de quartz, ni de granit, ni d’autres matières vitreuses qui auraient arrêté l’effet des foudres souterraines, de même qu’en Europe nous voyons les Alpes et les Pyrénées avoir arrêté et rompu tous les efforts de cette électricité. Il en doit être de même des montagnes volcaniques du Mexique et des autres parties du monde, où l’on trouve des volcans encore agissants.

À l’égard des volcans éteints, quoiqu’ils aient tous les caractères des volcans actuellement brûlants, nous remarquerons que les uns, tels que le Puy-de-Dôme, qui a plus de dix-huit cents toises d’élévation, le Cantal en Auvergne, qui en a près de mille, et le mont Mezin en Vivarais, dont la hauteur est à peu près égale à celle du Cantal, doivent avoir des cavités au-dessous de leurs bases, et que d’autres se sont en partie éboulés depuis qu’ils ont cessé d’agir : cette différence se remarque par celle de la forme de leurs bouches ou cratères. Le mont Mezin, le Cantal, le col d’Aisa, la coupe de Sauzac, la Gravène de mont Pesat, présentent tous des cratères d’une entière conservation, tandis que d’autres n’offrent qu’une partie de leurs bouches en entonnoir qui subsiste encore, et dont le reste s’est affaissé dans des cavités souterraines.

Mais le principal et le plus grand résultat que nous puissions tirer de tous ces faits, c’est que l’action des foudres et des feux souterrains, ayant été assez violente pour élever dans nos zones tempérées des montagnes telles que l’Etna, jusqu’à dix-huit cents toises de hauteur, nous devons cesser d’être étonnés de l’élévation des montagnes volcaniques des Cordillères jusqu’à trois mille toises. Deux fortes raisons me persuadent de la vérité de cette présomption. La première, c’est que le globe, étant plus élevé sous l’équateur, a dû, dès le premier temps de sa consolidation, former des boursouflures et des cavités beaucoup plus grandes dans les parties équatoriales que dans les autres zones, et que, par conséquent, les foudres souterraines auront exercé leur action avec plus de liberté et de puissance dans cette région, dont nous voyons en effet que les affaissements sous les eaux et les élévations au-dessus de la terre sont plus grands que partout ailleurs, parce que, indépendamment de l’étendue plus considérable des cavités, la chaleur intérieure du globe et celle du soleil ont dû augmenter encore la puissance des foudres et des feux souterrains.

La seconde raison, plus décisive encore que la première, c’est que ces volcans, dans