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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/102

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vont joindre le Rhin par Andernach, où les Hollandais font leur approvisionnement de tras[1] pour le convertir en pouzzolane ; les bords du Rhin, depuis Andernach jusqu’au vieux Brisach, forment la continuité de la zone volcanisée, qui traverse le Brisgaw et se rapproche par là de la France, du côté de Strasbourg.

D’après ce grand tableau des ravages du feu dans la partie du monde qui nous est la mieux connue, pourrait-on se persuader, ou même imaginer qu’il ait pu exister d’assez grands amas de matières combustibles pour avoir alimenté, pendant des siècles de siècles, des volcans multipliés en aussi grand nombre ? Cela seul suffirait pour nous indiquer que la plupart des volcans actuellement éteints n’ont été produits que par les foudres de l’électricité souterraine. Nous venons de voir, en effet, que les Pyrénées, les Alpes, l’Apennin, les monts Neptuniens en Sicile, le mont Granby en Angleterre, et les autres montagnes primitives, quartzeuses et granitiques, ont arrêté le cours des feux souterrains, comme étant, par leur nature vitreuse, imperméables au fluide électrique, dont ils ne peuvent propager l’action, ni communiquer les foudres ; et qu’au contraire tous les volcans produits par les feux ou les tonnerres souterrains ne se trouvent qu’aux environs de ces montagnes primitives, et n’ont exercé leur action que sur les schistes, les argiles, les substances calcaires et métalliques, et les autres matières de seconde formation et conductrices de l’électricité. Et, comme l’eau est un des plus puissants conducteurs du fluide électrique, ces volcans ont agi avec d’autant plus de force qu’ils se sont trouvés plus près de la mer, dont les eaux, en pénétrant dans leurs cavités, ont prodigieusement augmenté la masse des substances conductrices et l’action de l’électricité. Mais jetons encore un coup d’œil sur les autres différences remarquables qu’on peut observer dans la continuité des terrains volcanisés.

L’une des premières choses qui s’offrent à nos considérations, c’est cette immense continuité de basaltes et de laves, lesquels s’étendent, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des terrains volcanisés. Ces basaltes et ces laves, contenant une très grande quantité de matières ferrugineuses, doivent être regardés comme autant de conducteurs de l’électricité : ce sont, pour ainsi dire, des barres métalliques, c’est-à-dire des conducteurs à plusieurs centaines de lieues du fluide électrique, et qui peuvent le transmettre en un instant, de l’une à l’autre de leurs extrémités, tant à l’intérieur de la terre qu’à sa surface. L’on doit donc rapporter à cette cause les commotions et tremblements de terre qui se sont fait sentir, presque en même temps, à des distances très éloignées.

Une seconde considération très importante, c’est que tous les volcans, et surtout ceux qui sont encore actuellement agissants, portent sur des cavités dont la capacité est au moins égale au volume de leurs projections ; le monte Nuovo, voisin du Vésuve, s’est élevé presque subitement, c’est-à-dire en deux ou trois jours, dans l’année 1538, à la hauteur de plus de mille pieds, sur une circonférence de plus d’une lieue à la base ; et cette énorme masse sortie des entrailles de la terre, dans un terrain qui n’était qu’une plaine, a nécessairement laissé des cavités au moins égales à son volume : de même, il y a toute raison de croire que l’Etna, dont la hauteur est de plus de dix-huit cents toises, et la circonférence à la base de près de cinquante lieues, ne s’est élevé que par la force des foudres souterraines, et que, par conséquent, cette très énorme masse de matière projetée porte sur plusieurs cavités, dont le vide est au moins égal au volume soulevé. On peut encore citer les îles de Santorin, qui, depuis l’année 237 avant notre ère, se sont abîmées dans la mer et élevées au-dessus de la terre à plusieurs reprises, et dont les dernières catastrophes sont arrivées en 1707. « Tout l’espace, dit M. le comte de Choiseul-Gouffier, actuellement rempli par la mer, et contenu entre Santorin et Thérasia, aujourd’hui Aspro-Nyzi, faisait partie de la grande île, ainsi que Thérasia elle-même. Un immense

  1. Le tras est un vrai basalte compact ou poreux, facile à broyer, et dont les Hollandais font de la pouzzolane.