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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/126

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Dans le système adopté par la plupart des physiciens, on suppose un grand tourbillon de matière magnétique, circulant autour du globe terrestre, et de petits tourbillons de cette même matière, qui non seulement circule d’un pôle à l’autre de chaque aimant, mais entre dans leur substance, et en sort pour y rentrer. Dans la physique de Descartes, tout était tourbillon, tout s’expliquait par des mouvements circulaires et des impulsions tourbillonnantes ; mais ces tourbillons, qui remplissaient l’univers, ont disparu ; il ne reste que ceux de la matière magnétique dans la tête de ces physiciens. Cependant l’existence de ces tourbillons magnétiques est aussi peu fondée que celle des tourbillons planétaires ; et on peut démontrer, par plusieurs faits[1], que la force magnétique ne se meut pas en tourbillon autour du globe terrestre, non plus qu’autour de l’aimant.

La vertu magnétique, que l’aimant possède éminemment, peut de même appartenir au fer, puisque l’aimant la lui communique par le simple contact, et que même le fer l’acquiert sans ce secours, lorsqu’il est exposé aux impressions de l’atmosphère ; le fer devient alors un véritable aimant, s’il reste longtemps dans la même situation ; de plus, il s’aimante assez fortement par la percussion, par le frottement de la lime, ou seulement en le pliant et repliant plusieurs fois ; mais ces derniers moyens ne donnent au fer qu’un magnétisme passager, et ce métal ne conserve la vertu magnétique que quand il l’a empruntée de l’aimant, ou bien acquise par une exposition à l’action de l’électricité générale pendant un temps assez long pour prendre des pôles fixes dans une direction déterminée.

Lorsque le fer, tenu longtemps dans la même situation, acquiert de lui-même la vertu magnétique, qu’il la conserve et qu’il peut même la communiquer à d’autres fers, comme le fait l’aimant, doit-on se refuser à croire que, dans les mines primitives, les parties qui se sont trouvées exposées à ces mêmes impressions de l’atmosphère ne soient pas celles qui ont acquis la vertu magnétique, et que par conséquent toutes les pierres d’aimant, qui ne forment que de petits blocs en comparaison des montagnes et des autres masses des mines primordiales de fer, étaient aussi les seules parties exposées à cette action extérieure qui leur a donné les propriétés magnétiques ? Rien ne s’oppose à cette vue ou plutôt à ce fait ; car la pierre d’aimant est certainement une matière ferrugineuse, moins fusible à la vérité que la plupart des autres mines de fer ; et cette dernière propriété indique seulement qu’il a fallu peut-être le concours de deux circonstances pour la production de ces aimants primitifs, dont la première a été la situation et l’exposition constante à l’impression du magnétisme général ; et la seconde, une qualité différente de la matière ferrugineuse qui compose la substance de l’aimant. Car la mine d’aimant n’est plus difficile à fondre que les autres mines de fer en roche que par cette différence de qualité ; l’aimant primordial approche, comme nous l’avons dit, de la nature du régule de fer, qui est bien moins fusible que sa mine. Ainsi, cet aimant primitif est une mine de fer qui, ayant subi

  1. L’un de nos savants académiciens, M. Le Monnier, qui s’est occupé des phénomènes de l’aimant, a fait plusieurs expériences pour démontrer le peu de fondement de cette hypothèse des tourbillons autour de l’aimant. Il a mis sur un carton deux aimants, dont les pôles de différents noms étaient voisins : en ce cas, selon le système commun, les deux tourbillons magnétiques doivent s’être réunis en un seul, et par conséquent il ne devrait se former sur la limaille du carton que deux vides répondant aux deux pôles ; mais le fait est qu’il se forme toujours quatre vides, ce qui démontre que les deux tourbillons ne sont pas confondus, et que la matière magnétique ne passe pas d’un aimant à l’autre… ; et certainement, s’il y a un tourbillon, il s’étend bien à deux ou trois lignes de la pierre. Cependant que l’on aimante une aiguille de boussole en la faisant couler à l’ordinaire sur la pierre, et, en même temps, en lui faisant toucher les deux boutons de l’armure, ou en la tenant éloignée de ces boutons de deux ou trois lignes seulement, elle prendra, dans les deux cas, deux directions diamétralement opposées, tout le reste ayant été parfaitement égal : la même extrémité de l’aiguille qui se tournerait au nord se tournera au sud, etc. Histoire de l’Académie des sciences, année 1733, p. 15 et 16.