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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/133

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force : le fer n’acquiert pas de lui-même la vertu magnétique, et l’aimant ne la communique au fer que dans une seule et même direction ; car, si l’on aimante un fil de fer selon sa longueur et qu’ensuite on le plie de manière qu’il forme des angles et crochets, il perd dès lors sa force magnétique, parce que la direction n’est pas la même et que la situation des parties a été changée dans les plis qui forment ces crochets ; les pôles des diverses parties du fer se trouvent alors situés, les uns relativement aux autres, de manière à diminuer ou détruire mutuellement leur vertu, au lieu de la conserver ou de l’accroître ; et non seulement la force magnétique se perd dans ces parties angulaires, mais même elle ne subsiste plus dans les autres parties du fil de fer qui n’ont point été pliées ; car le déplacement des pôles et le changement de direction occasionnés par les plis suffisent pour faire perdre cette force au fil de fer dans toute son étendue.

Mais, si l’on passe un fil de fer par la filière dans le même sens qu’il a été aimanté, il conservera sa vertu magnétique, quoique les parties constituantes aient changé de position en s’éloignant les unes des autres et que toutes aient concouru plus ou moins à l’allongement de ce fil de fer par leur déplacement ; preuve évidente que la force magnétique subsiste ou s’évanouit, selon que la direction se conserve la même lorsque le déplacement se fait dans le même sens, ou que cette direction devient différente lorsque le déplacement se fait dans le sens opposé.

On peut considérer un morceau de fer ou d’acier comme une masse de limaille dont les particules sont seulement plus rapprochées et réunies de plus près que dans le bloc de limaille comprimée : aussi faut-il un violent mouvement, tel que celui d’une flexion forcée ou d’une forte percussion, pour détruire la force magnétique dans le fer et l’acier par le changement de la situation respective de leurs parties ; au lieu qu’en donnant un coup assez léger sur la masse de la limaille comprimée, on fait évanouir à l’instant la force magnétique, parce que ce coup suffit pour changer la situation respective de toutes les particules de la limaille.

Si l’on ne passe qu’une seule fois une lame de fer ou d’acier sur l’aimant, elle ne reçoit que très peu de force magnétique par ce premier frottement ; mais, en le réitérant quinze ou vingt fois, toujours dans le même sens, le fer ou l’acier prendront presque toute la force magnétique qu’ils peuvent comporter, et on ne leur en donnerait pas davantage en continuant plus longtemps les mêmes frottements ; mais si, après avoir aimanté une pièce de fer ou d’acier dans un sens, on la passe sur l’aimant dans le sens opposé, elle perd la plus grande partie de la vertu qu’elle avait acquise et peut même la perdre tout à fait en réitérant les frottements dans ce sens contraire : ce sont ces phénomènes qui ont fait imaginer à quelques physiciens que la force magnétique rend mobiles les particules dont le fer est composé. Au reste, si l’on ne fait que poser le fer ou l’acier sur l’aimant sans les presser l’un contre l’autre ou les appliquer fortement dans le même sens, ils ne reçoivent que peu de vertu magnétique, et ce ne sera qu’en les tenant réunis plusieurs heures de suite qu’ils en acquerront davantage, et cependant toujours moins qu’en les frottant dans le même sens, lentement et fortement, un grand nombre de fois sur l’aimant.

Le feu, la percussion et la flexion suspendent ou détruisent également la force magnétique, parce que ces trois causes changent également la situation respective des parties constituantes du fer et de l’aimant. Ce n’est même que par ce seul changement de la situation respective de leurs parties que le feu peut agir sur la force magnétique, car on s’est assuré que cette force passe de l’aimant au fer à travers la flamme, sans diminution ni direction : ainsi, ce n’est pas sur la force même que se porte l’action du feu, mais sur les parties intégrantes de l’aimant ou du fer, dont le feu change la position ; et lorsque, par le refroidissement, cette position des parties se rétablit telle qu’elle était avant l’incandescence, la force magnétique reparaît et devient quelquefois plus puissante qu’elle ne l’était auparavant.