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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/136

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qu’ils sont trop voisins l’un de l’autre ; la position de l’armure et la figure de l’aimant doivent également influer sur sa force, et c’est par cette raison que des aimants faibles gagnent quelquefois davantage à être armés que des aimants plus forts. Cette action contraire de deux pôles trop rapprochés sert à expliquer pourquoi deux barres aimantées, qui se touchent, n’attirent pas un morceau de fer avec autant de force que lorsqu’elles sont à une certaine distance l’une de l’autre[1].

Les pieds de l’armure doivent être placés sur les pôles de la pierre pour réunir le plus de force : ces pôles ne sont pas des points mathématiques, ils ont une certaine étendue, et l’on reconnaît aisément les parties polaires d’un aimant, en ce qu’elles retiennent le fer avec une grande énergie, et l’attirent avec plus de puissance que toutes les autres parties de la surface de ce même aimant ne peuvent le retenir ou l’attirer. Les meilleurs aimants sont ceux dont les pôles sont les plus décidés, c’est-à-dire ceux dans lesquels cette inégalité de force est la plus grande. Les plus mauvais aimants sont ceux dont les pôles sont les plus indécis, c’est-à-dire ceux qui ont plusieurs pôles et qui attirent le fer à peu près également dans tous les points de leur surface ; et le défaut de ces aimants vient de ce qu’ils sont composés de plusieurs pièces mal situées, relativement les unes aux autres, car, en les divisant en plusieurs parties, chacun de ces fragments n’aura que deux pôles bien décidés et fort actifs.

Nous avons dit que, si l’on aimante un fil de fer, en le frottant longitudinalement dans le même sens, il perdra la vue magnétique en le pliant en crochet, ou le courbant et le contournant en anneau, et cela parce que la force magnétique ne s’étant déterminée vers ce fil de fer que par un frottement longitudinal, elle cesse de se diriger vers ce même fer dès que ce sens est changé ou interrompu ; et, lorsqu’il devient directement opposé, cette force produit nécessairement un effet contraire au premier ; elle repousse au lieu d’attirer et se dirige vers l’autre pôle.

La répulsion, dans l’aimant, n’est donc que l’effet d’une attraction en sens contraire, et qu’on oppose à elle-même : toutes deux ne partent pas du corps de l’aimant, mais en proviennent, et sont des effets d’une force extérieure, qui agit sur l’aimant en deux sens opposés ; et dans tout aimant, comme dans le globe terrestre, la force magnétique forme deux courants en sens contraire, qui partent tous deux de l’équateur en se dirigeant aux deux pôles.

Mais on doit observer qu’il y a une inégalité de force entre les deux courants magnétiques du globe, dont l’hémisphère boréal, offrant à sa surface beaucoup plus de terres que d’eau et étant par conséquent moins froid que l’hémisphère austral, ne doit pas déterminer ce courant avec autant de puissance, en sorte que ce courant magnétique boréal a moins d’intensité de force que le courant de l’hémisphère austral, dans lequel la quantité des eaux et des glaces étant beaucoup plus grande que dans le boréal, la condensation des émanations terrestres provenant des régions de l’équateur doit être aussi plus rapide et plus grande ; cette même inégalité se reconnaît dans les aimants. M. de Bruno a fait, à ce sujet, quelques expériences, dont nous citons la plus décisive dans la note ci-dessous[2]. Descartes avait dit auparavant que le côté de l’aimant qui tend vers le nord peut soutenir plus de fer dans nos régions septentrionales que le côté opposé[3] ; et ce fait a été confirmé

  1. Voyez l’ouvrage de M. Æpinus, no 248.
  2. « Je posai un grand barreau magnétique sur une table de marbre blanc ; je plaçai une aiguille aimantée en équilibre sur son pivot, au point qui séparait le grand barreau en deux parties égales. Le pôle austral s’inclina vers le pôle boréal du grand barreau. J’approchai insensiblement cette aiguille vers le pôle austral du grand barreau, jusqu’à ce qu’enfin je m’aperçus que la petite aiguille était dans une situation parfaitement horizontale. » Recherches sur la direction du fluide magnétique, p. 116.
  3. Principes de la philosophie de Descartes, article xxix, Des propriétés de l’Aimant.