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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/137

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par Rohault, et aujourd’hui par les expériences de M. de Bruno. Le pôle boréal est donc le plus fort dans les aimants, tandis que c’est au contraire le pôle le plus faible sur le globe terrestre ; et c’est précisément ce qui détermine les pôles boréaux des aimants à se porter vers le nord, comme vers un pôle dont la quantité de force est différente de celle qu’ils ont reçue.

Lorsqu’on présente deux aimants l’un à l’autre et que l’on oppose les pôles de même nom, il est nécessaire qu’ils se repoussent, parce que la force magnétique, qui se porte de l’équateur du premier aimant à son pôle, agit dans une direction contraire et diamétralement opposée à la force magnétique, qui se porte en sens contraire dans le second aimant. Ces deux forces sont de même nature, leur quantité est égale et, par conséquent, ces deux forces égales et opposées doivent produire une répulsion, tandis qu’elles n’offrent qu’une attraction, si les deux aimants sont présentés l’un à l’autre par les pôles de différents noms, puisqu’alors les deux forces magnétiques, au lieu d’être égales, diffèrent par leur nature et par leur quantité. Ceci seul suffirait pour démontrer que la force magnétique ne circule pas en tourbillon autour de l’aimant, mais se porte seulement de son équateur à ses pôles, en deux sens opposés.

Cette répulsion, qu’exercent l’un contre l’autre les pôles de même nom, sert à rendre raison d’un phénomène, qui d’abord a surpris les yeux de quelques physiciens. Si l’on soutient deux aiguilles aimantées l’une au-dessus de l’autre, et si on leur communique le plus léger mouvement, elles ne se fixent point dans la direction du méridien magnétique ; mais elles s’en éloignent également des deux côtés, l’une à droite, et l’autre à gauche de la ligne de leur direction naturelle.

Or, cet écartement provient de l’action répulsive de leurs pôles semblables ; et, ce qui le prouve, c’est qu’à mesure qu’on fait descendre l’aiguille supérieure pour l’approcher de l’inférieure, l’angle de leur écartement devient plus grand, tandis qu’au contraire il devient plus petit à mesure qu’on fait remonter cette même aiguille supérieure au-dessus de l’inférieure, et lorsque les aiguilles sont assez éloignées l’une de l’autre pour n’être plus soumises à leur influence mutuelle, elles reprennent alors leur vraie direction, et n’obéissent plus qu’à la force du magnétisme général. Cet effet, dont la cause est évidente, n’a pas laissé d’induire en erreur ceux qui l’ont observé les premiers : ils ont imaginé qu’on pourrait, par ce moyen, construire des boussoles dont l’une des aiguilles indiquerait le pôle terrestre, tandis que l’autre se dirigerait vers le pôle magnétique, en sorte que la première marquerait le vrai nord, et la seconde la déclinaison de l’aimant ; mais le peu de fondement de cette prétention est suffisamment démontré par l’angle que forment les deux aiguilles, et qui augmente ou diminue par l’influence mutuelle de leurs pôles, en les rapprochant ou les éloignant l’un de l’autre.

On déterminera plus puissamment, plus promptement cette force extérieure du magnétisme général vers le fer, en le tenant dans la direction du méridien magnétique de chaque lieu, et l’on a observé qu’en mettant dans cette situation des verges de fer, les unes en incandescence et les autres froides, les premières reçoivent la vertu magnétique bien plus tôt et en bien plus grande mesure[1] que les dernières. Ce fait ajoute encore aux preuves que j’ai données de la formation des mines d’aimant par le feu primitif.

Il faut une certaine proportion, dans les dimensions du fer, pour qu’il puisse s’aimanter promptement de lui-même et par la seule action du magnétisme général ; cependant, tous les fers, étant posés dans une situation perpendiculaire à l’horizon, prendront dans nos climats

  1. Nous devons cependant observer que le fer prend, à la vérité, plus de force magnétique dans l’état d’incandescence, mais qu’il ne la conserve pas en même quantité après son refroidissement ; un fer, tant qu’il est rouge, attire l’aiguille aimantée plus fortement, et la fait mouvoir de plus loin que quand il est refroidi.