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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/140

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Ces aiguilles, une fois bien aimantées, sont de véritables aimants ; elles nous en présentent tous les phénomènes, et même les démontrent d’une manière plus précise qu’on ne pourrait les reconnaître dans les aimants même ; car l’aimant et le fer bien aimanté produisent les mêmes effets, et, lorsqu’une petite barre d’acier a été aimantée au point de prendre toute la vertu magnétique dont elle est susceptible, c’est dès lors un aimant qui, comme le véritable aimant, peut communiquer sa force sans en rien perdre à tous les fers et à tous les aciers qu’on lui présentera.

Mais ni l’aimant naturel, ni ces aimants artificiels, ne communiquent pas d’abord autant de force qu’ils en ont : une lame de fer ou d’acier, passée sur l’aimant, en reçoit une certaine mesure de vertu magnétique qu’on estime par le poids que cette lame peut soutenir ; si l’on passe une seconde lame sur la première, cette seconde lame ne recevra de même qu’une partie de la première, et ne pourra soutenir qu’un moindre poids ; une troisième lame, passée sur la seconde, ne prendra de même qu’une portion de la force de cette seconde lame, et enfin, dans une quatrième lame passée sur la troisième, la vertu communiquée sera presque insensible, ou même nulle.

Chacune de ces lames conserve néanmoins toute la vertu qu’elle a reçue sans perte ni diminution, quoiqu’elles paraissent en faire largesse en la communiquant ; car l’aimant ou le fer aimanté ne font aucune dépense réelle de cette force ; elle ne leur appartient donc pas en propre et ne fait pas partie de leur substance ; ils ne font que la déterminer plus ou moins vers le fer qui ne l’a pas encore reçue.

Ainsi, je le répète, cette force ne réside pas en quantité réelle et matérielle dans l’aimant, puisqu’elle passe sans diminution de l’aimant au fer et du fer au fer, qu’elle se multiplie au lieu de s’évanouir, et qu’elle augmente au lieu de diminuer par cette communication ; car chaque lame de fer en acquiert sans que les autres en perdent, et la force reste évidemment la même dans chacune, après mille et mille communications. Cette force est donc extérieure, et de plus est, pour ainsi dire, infinie relativement aux petites masses de l’aimant et du fer qui ne font que la déterminer vers leur propre substance ; elle existe à part, et n’en existerait pas moins quand il n’y aurait point de fer ni d’aimant dans le monde ; mais il est vrai qu’elle ne produirait pas les mêmes effets, qui tous dépendent du rapport particulier que la matière ferrugineuse se trouve avoir avec l’action de cette force.


ARTICLE IV

DIVERS PROCÉDÉS POUR PRODUIRE ET COMPLÉTER L’AIMANTATION DU FER.

Plusieurs circonstances concourent à rendre plus ou moins complète la communication de la force magnétique de l’aimant au fer ; premièrement, tous les aimants ne donnent pas au même fer une égale force attractive ; les plus forts lui communiquent ordinairement plus de vertu que les aimants plus faibles ; secondement, la qualité du fer influe beaucoup sur la quantité de vertu magnétique qu’il peut recevoir du même aimant ; plus le fer est pur, et plus il peut s’aimanter fortement ; l’acier, qui est le fer le plus épuré, reçoit plus de force magnétique et la conserve plus longtemps que le fer ordinaire ; troisièmement, il faut une certaine proportion, dans les dimensions du fer ou de l’acier que l’on veut aimanter, pour qu’ils reçoivent la plus grande force magnétique qu’ils peuvent comporter ; la longueur, la largeur et l’épaisseur de ces fers ou aciers ont leurs proportions et